Chronologie de l’Holodomor
Pourquoi l’Holodomor ? Parce que l’Ukraine soviétique était la plus peuplée de toutes les autres républiques non-russes réunies. Parce que le pays avait une riche histoire, un esprit européen et une longue expérience des luttes de libération. L’Indépendance de 1917-1920 n’avait pas été oubliée, ni les institutions proprement ukrainiennes qu’elle entendait garder ou restaurer. La Culture en particulier, était en plein essor malgré le régime policier et l’embrigadement communiste. La langue ukrainienne s’étendait aux masses citadines, et avec elle l’identité du pays profond. Pour transformer l’URSS en empire, il fallait briser l’Ukraine.
L'astérisque (*) indique un dirigeant ou membre de l'appareil soviétique non-ukrainien. Leurs détails biographiques sont en annexe. Les faits prouvant l'intention génocidaire de Moscou sont indiqués dans les titres par un point d'exclamation (!)
Novembre 1920
Perte de l’Indépendance | La République Populaire d’Ukraine (UNR) fondée trois ans plus tôt, est entièrement occupée par les bolcheviques еt soumise à Moscou. La Pologne jusqu’alors alliée de l’UNR, signe l’armistice avec les bolcheviques et reconnaît l’Ukraine soviétique, avec Kharkiv pour capitale.
Victoire bolchevique et fin de la Guerre civile | A l’exception de quelques « otamans » et officiers liés à l’UNR en Ukraine centrale, toutes les forces non-bolcheviques sont vaincus : national-communistes, cosaques, libertaires de Makhno, tsaristes, démocrates, chefs paysans, indépendantistes, sociaux-démocrates, en Moscovie et dans ses colonies.
Guerre anti-paysanne
« Décosaquisation » au Kouban et sur le Don | Le Kouban et le Don, au nord du Caucase, forment l’épicentre d’une guerre entre villes et campagnes, autrement dit entre paysannerie ukrainienne et pouvoir russo-bolchevique. Sur ordre de Frounzé*, Grigori Yevdokimov* fait régner la terreur dans la région, comme il le fera dix ans plus tard, durant l’Holodomor proprement dit.
Grandes réquisitions en Ukraine | Malgré l’hiver trop sec risquant d’affecter les récoltes, et surtout le « communisme de guerre » ayant largement épuisé les ressources agricoles, les bolcheviques planifient de nouvelles réquisitions en Ukraine. Pour se faire, ils divisent le pays en plusieurs régions militaires sous le commandement de Frounzé*. La fin de l’anarchie générale mettra fin aux pogroms antisémites, mais pas aux répressions anti-ukrainiennes.
Soumission des communistes souverainistes ukrainiens | Les Borotbistes (nom tiré de « borotba« , la lutte) jadis partisans d’une Armée rouge ukrainienne et d’un État communiste ukrainiens, fusionnent avec le Parti bolchevique moscovite. Certains borotbistes, comme Choumskéï et Skrypnyk tenteront de garder une ligne autonome, d’autres exécuteront aveuglément les ordres de Moscou, tels Lioubtchenko et Khvélia.
1921
Début de la Guerre anti-paysanne en Ukraine | Probablement une des plus grandes et des plus atroces jamais menées en Europe. Elle débute en 1918 en Russie (essentiellement dans les territoires ethniquement non-russes) et touche définitivement l’Ukraine au cours de l’hiver 1920-1921.
Mars 1921
NEP et сonfiscation du grain | Des brigades ouvrières spéciales sont envoyées dans les campagnes pour la « collecte » systématique des céréales. | Le 10e congrès du Parti bolchevique proclame la Nouvelle Politique Economique (NEP) voulue par Lénine* et Trotski*, afin de remplacer le « communisme de guerre ».
Mai 1921
Début de famine en Ukraine | Une famine éclate dans la Basse Volga, peuplée entre autres de Volksdeutsche (colons allemands), de Tatars et de Bachkires. Omsk, Oufa, Astrakhan, foyers antibolcheviques durant la guerre civile, sont rudement touchées. En Ukraine, le « pillage légal » est désormais confié à l’Armée rouge au bénéfice des villes russes. Malgré la NEP récemment instaurée, Lénine* ordonne l’envoi des réserves de blé ukrainien en Russie, non pour aider les affamés, mais assurer les villes industriels et autres centres miniers comme le Donbass. Une famine éclate alors dans le sud de l’Ukraine ainsi qu’au Kouban, région essentiellement peuplée de Cosaques et d’Ukrainiens.
Juin 1921
Grande sécheresse | Les réserves de semailles sont épuisées, la paysannerie ukrainienne totalement à la merci des intempéries.
Juillet 1921
Intensification des répressions | En octobre, les décrets bolcheviques sur les exécutions prennent force de loi en Ukraine. Le gouvernement bolchevique « ukrainien » spolie la paysannerie ukrainienne. A sa tête : Piatakov*. Niant ouvertement l’identité ukrainienne et l’importance de la question nationale, il est bientôt évincé d’Ukraine par les Borotbistes (national-bolcheviques ukrainiens) mais obtient carte blanche au Donbass. Ce même Piatakov* jouera un rôle essentiel dix ans plus tard, lors de l’élaboration du 1er Plan quinquennal, principal instrument de la Grande famine.
Rébellions anti-bolcheviques | Alors qu’en mars 1921, la dernière révolte antibolchevique est écrasée en Russie (marins de Kronstadt), des centaines d’otamans et autres chefs de guerre ukrainiens d’importance locale se rebellent contre l’ordre russo-bolchevique. Mais plus la famine se répand, plus la révolte s’épuise.
Famine et terreur rouge en Crimée
1921-1923 : 35% des Tatars criméens meurent de famine | Plusieurs organisations humanitaires interviennent, les fonds d’entraide juifs aussi. On imagine alors une future colonisation juive, dans le nord de la Crimée et dans le sud de l’Ukraine, ainsi que la création d’une république « agraire » pour les Juifs. Le projet est totalement chimérique et largement utilisé par la propagande soviétique à l’extérieur de l’Urss. Еpaulé par Lénine, le narkom aux Affaires étrangères Tchitchérine refuse la « retatarisation » de la Crimée, tandis que le leader tatar Veli Ibrahimov s’oppose à la colonisation juive…
Persécution et liquidation de l’intelligentsia tatare | Veli Ibrahimov est fusillé en 1928, comme 40.000 autres Tatars au moins. Russification linguistique. Grande dépression économique compromettant l’aide promise aux Juifs d’Urss. Celle-ci décide la création d’une république juive, mais en Asie centrale (Birobidjan).
Premier holodomor
en Ukraine et au Kouban (1922)
Janvier 1922
Aide américaine | Depuis plusieurs mois en Russie, l’American Relief Administration (ARA) parvient à juguler la famine. L’organisation humanitaire, dirigée par le futur président Hoover, a été interdite en Ukraine, où la famine n’était pas censée sévir. En janvier, le fait est dévoilé et le chef de l’exécutif « ukrainien », Christian Rakovsky* prend contact avec l’ARA. Le « Joint », fonds d’aide juif américain (American Jewish Joint Distribution Committee) vient également en aide aux affamés d’Ukraine.
Mars 1922
La famine devient « anticléricale » | En janvier, le Politburo « ukrainien » ordonne l’application des décrets bolcheviques sur la confiscation des biens du clergé, ces derniers « devant être vendus » au profit des affamés.
Lénine* et Trotski* instrumentalisent la famine contre les institutions religieuses. En mars, à Chouïa en Russie, la foule s’oppose aux spoliateurs, qui n’hésitent pas à tirer. En mai, sur ordre de Lénine*, plusieurs prêtres sont exécutés et une campagne de discrédit est lancée contre le patriarche moscovite, lequel se soumet au pouvoir bolchevique quelques mois plus tard. En Ukraine, l’Église orthodoxe ukrainienne indépendante de Moscou (créée en 1921) sera tolérée par les bolcheviques durant quelques années, mais dans le seul but d’affaiblir le patriarcat moscovite.
Cinq millions de morts des suites de la famine | Le sud de l’Ukraine, le Kouban et la Basse Volga particulièrement touchés, notamment les colons allemands, les Bachkires et Ukrainiens. Nombreux cas de cannibalisme, notamment sur enfants. Épidémies de typhus.
« Intégration » soviétique et reprise de la russification | L’Ukraine et la Russie soviétiques, déjà unies par différents statuts, sont sur le point de fusionner. Lénine* projette une grande fédération de républiques théoriquement indépendantes au sein d’un seul Parti-Etat, contrairement à Staline* qui préfère arrimer les républiques non-russes à la Russie soviétique.
Mars 1922
Annexion de l’Ukraine à l’Urss et la Pologne | En octobre, le Ier Congrès des Soviets déclare l’Union des Républiques socialistes soviétiques. La RSS d’Ukraine est de facto annexée à la Russie. La Pologne reconnaît l’Urss et annexe quant à elle l’Ukraine occidentale.
Décosaquisation du Kouban | Le Kouban demeure séparé de la république d’Ukraine et subit une violente « décosaquisation ». En Ukraine et au Kouban, la russification reprend malgré les discours « fraternels » de Lénine.
Détournement de l’aide internationale destinée à l’Ukraine | En juillet, le gouvernement russe tente une nouvelle fois de passer sous silence la famine en Ukraine, afin de détourner l’aide internationale vers la seule RSSF de Russie. Les délégués ukrainiens auprès de la Croix Rouge et d’autres organisations étrangères rétablissent la vérité. Ces dernières vont être taxées d’espionnage ou encore de « sionisme » par l’historiographie officielle, malgré l’aide incomparablement plus importante qu’elles auront apportée. En nombre de colis alimentaires distribués, la « solidarité » prolétarienne s’avère 500 fois moins élevée que celle d’Herbert Hoover (ARA) et du fonds Nansen.
Mai 1923
Lénine* inapte à l’exercice du pouvoir | Fin mai, Vladimir Oulianov alias Lénine* est frappé d’une attaque cérébrale, devient hémiplégique et meurt un an et demi plus tard, en janvier 1924. Juste avant son AVC, il avait insisté sur la nécessité de maintenir la terreur.
« Choumskisme » et « national-bolchevisme » ukrainien
1924
Ukrainisation et « enracinement » | Le national-bolchevique ukrainien Alexandre Choumskéï, narkom1Commissaire du peuple, ministre à l’Enseignement, entreprend une politique d’ukrainisation résolument tournée vers l’Europe et l’Occident. Soutenant sans limite l’écrivain Nicolas Khvéliovéï, il entend couper les ponts avec Moscou et rendre la culture ukrainienne plus autonome. Staline*, conscient de la tendance borotbiste (national-bolchevique) toujours présente en Ukraine, ne tarde pas à l’accuser de « déviationnisme nationaliste ». Le mot « choumskisme » fait alors son apparition et finit par désigner la tendance la plus émancipatrice au sein du Parti bolchevique « ukrainien ». Le terme ne tarde pas à devenir un pseudo-motif d’accusation.
1925
Lazare Kaganovitch* nommé Secrétaire général du Parti en Ukraine | Russophone, Kaganovitch apprend plus ou moins l’ukrainien et met en application la politique dite d’ukrainisation, laquelle portera rapidement ses fruits. Son but : 1 – attirer les masses paysannes d’Ukraine vers le bolchevisme, 2 – endormir ou isoler l’opposition intellectuelle ukrainienne. L’homme est affable, brillant, efficace, mais parfaitement inculte et dénué de tout scrupule. Staline* le préfère de loin à Choumskéï, bientôt évincé.
Staline* parle déjà de famine organisée | Lors du XIVe congrès du Parti, Joseph Staline*, bolchevique ossète originaire de Géorgie (et non pas « géorgien » comme on l’écrit trop souvent) est désormais au sommet. Il évoque l’éventualité d’une famine artificiellement organisée dans un discours sur la nécessité d’augmenter les exportations céréalières.
Fin de la prépondérance juive au sein du Comité central, mise à l’écart de Trotski* | Staline* casse pour la première fois la nette prépondérance des bolcheviques juifs au sein du comité central du Parti communiste d’Union soviétique. Par-là même, il jugule l’opposition déjà divisée des Trotski*, Kamenev*, Zinoviev*, etc.2Grigori Radomilski-Apfelbaum alias Zinoviev*, bolchevique juif originaire d’Ukraine. Lev Rosenfeld alias Kamenev*, beau-frère de Trotski*, bolchevique juif née en Géorgie. Tous trois éliminés par Staline. Cet antisémitisme prudent et masqué en dit long sur la politique de Staline* en matière de nationalités. Kaganovitch* ayant renié ses origines et du reste sa propre famille, est l’un des rares bolcheviques d’origine juive à survivre à Staline*. Ce dernier disposera certains bolcheviques juifs à des postes-clés, mais finira presque toujours par les faire fusiller. Kaganovitch* fait figure d’exception. On l’appelait le Juif de fer. Il a survécu à l’Urss sans être inquiété… Défaite définitive de Trotski*, ferme partisan de la collectivisation forcée.
« Le Socialisme dans un seul pays ! » | Triomphe de la théorie du Socialisme dans un seul pays développée par Staline* et Boukharine*, incluant l’industrialisation et la militarisation de l’Urss, quoique dans des conditions encore acceptables par la paysannerie.
1926
Assassinat de Simon Petlioura | L’ancien chef du Directoire indépendantiste est abattu en pleine rue à Paris, par Samuel Schwartzbard3Juif de Bélarus, anarchiste ? sous couvert de « vengeance » pour les pogroms antisémites de 1918-1919, bien que Petlioura n’ait jamais ordonné un seul pogrom. L’assassin sera acquitté et le procès donnera naissance à la LICRA.
Staline s’impose (1926)
Autocritique de Choumskéï | Devant le Comité central du Parti « ukrainien », le chef de fil du national-bolchevisme ukrainien reconnaît ses « erreurs ». L’ukrainisation est reprise en mains par Moscou.
Décembre 1927 – Janvier 1928
Trotski* exclu du Comité central | Volte-face subite de Staline* qui plaide dorénavant comme Trotski*, en faveur de la collectivisation à marche forcée et l’industrialisation accélérée. Boukharine*, désavoué par Staline*, sera évincé. | Directives secrètes du Comité central ordonnant d’augmenter la production de pain. Sans résultat, le Comité central décide de prendre des mesures coercitives contre les « spéculateurs » et autres cadres communistes jugés inefficaces. | Nicolas Skrypnyk, jugé plus fidèle à Staline*, est nommé narkom à l’Enseignement par Kaganovitch*, afin de rendre l’ukrainisation conforme à la ligne russo-bolchevique.
Février 1928
« Le koulak relève la tête » | La Pravda publie un article de Staline* ne laissant aucun doute sur son intention de renouer avec le thème de la « lutte des classes ». Désormais, il mettra les échecs de sa politique sur le dos des paysans libres, taxés de « koulaks ». | Au Kazakhstan, les élites nomades sont décimées, tout comme les structures traditionnelles et religieuses du pays. Quatre millions de Kazakhs (dont 75% éleveurs nomades) constituent la majeure partie de la population, comprenant entre autres près d’un million d’Ukrainiens. Les steppes arides du sud servent également de lieu de relégation pour les déportés ukrainiens. Dix ans plus tôt, les nationalistes kazakhs d’Alash-Orda avait fondé une grande république autonome hostiles aux bolcheviques.4Qui plus est, la capitale Semeï (rebaptisée Semipalatinsk par les Soviets) va subir à partir de 1949 les effets radioactifs des essais nucléaires tirés dans la région. Plus de 400 bombes nucléaires vont exploser à proximité de Semeï durant une quarantaine d’années. Un dixième de la population kazakhs souffrirait des retombées.
1er janvier 1928
Fuite de Boris Bajanov, secrétaire de Staline* | Le secrétaire particulier de Staline* et greffier du Politburo se réfugie en France. En 1930, cet Ukrainien russifié et complexé, jadis communiste « sincère », infiltré au sommet de l’appareil bolchevique, va publier à Paris un livre grouillant de détails surprenants sur la personnalité des futurs affameurs de l’Ukraine. Il révèle entre autres qu’au Politburo, Staline* parlait très peu et ne prenait la parole qu’en dernier, de sorte à toujours s’aligner sur l’opinion majoritaire. Ayant débuté avec Kaganovitch*, Bajanov a pu observer comment ce fidèle de Staline s’est peu à peu déshumanisé…5Boris Bajanov, Avec Staline dans le Kremlin, Éditions de France, 1930.
Premier plan quinquennal | Les résultats obtenus par la NEP sont décevants et ne permettent pas d’atteindre un niveau économique supérieur à celui d’avant-guerre. Staline* met fin à la NEP en instaurant la planification centralisée, seul moyen selon lui de forcer les paysans les plus aisés à augmenter leur production.
12 février 1929
Dernier dialogue avec Staline* | Au Kremlin, une délégation d’écrivains ukrainiens marxistes-léninistes tente de convaincre Staline* et Kaganovitch* de rattacher à la RSS d’Ukraine les régions ethniquement ukrainiennes, comme le Kouban. De même, ils interrogent Staline* sur l’avenir des minorités ukrainiennes de Russie et de Pologne. Un dialogue hallucinant qui finira mal pour les Ukrainiens : la plupart seront fusillés ou déportés quelques années plus tard.6Débat publié en russe et en anglais dans Harvard Ukrainian Studies, N°3-4 décembre 1992, pp.361-431.
Début de la collectivisation (1929)
Mars 1929
Premier plan quinquennal | Staline* et les bolcheviques entendent doter l’URSS d’une industrie lourde en un temps record, tout en réduisant la libre entreprise à néant. Au nom de la puissance soviétique, notamment industrielle et militaire, l’agriculture devra être mécanisée et les petits possédants taxés de « koulaks », soumis de gré ou de force à la collectivisation. Les exploitations et domaines agricoles une fois réunis, forment les kolkhozes, fermes d’État collectivisées.
Août 1929
« Dékoulakisation » | Résolution du Radnarkom d’Ukraine sur « Les caractéristiques des fermes de koulak, qui sont soumises aux règles du Code du travail de l’URSS ».
Novembre-décembre 1929
Collectivisation forcée | Le Plénum du Parti bolchevique entérine la guerre contre la paysannerie. Discours de Kosior* à propos de « l’agriculture de l’Ukraine et du travail à la campagne », dans lequel il préconise la collectivisation de l’Ukraine steppique dans les années à venir.
Culte de la personnalité naissant | Le 50e anniversaire de Staline célébré en grandes pompes le 21 décembre 1929, marque le début du « culte de la personnalité » dont jouira désormais le dictateur rouge.
Janvier-février 1930
Adoption des mesures « anti-koulaks » par le Politburo | Résolution du Comité central du Parti « Sur le rythme de la collectivisation et les mesures d’accompagnement de l’Etat dans la construction de fermes collectives ». Résolution du Politburo du 30 janvier 1930 « Sur les mesures visant à éliminer les fermes de koulak dans les zones de collectivisation continue ». Les paysans les plus « antisoviétiques » (catégorie 1) devront être exécutés ou au mieux internés en camps de travail, après un passage devant une troïka composée de trois « juges » ad hoc. Les simples « exploiteurs » (catégorie 2) seront déplacés avec leurs familles vers la Sibérie, dans des villages spéciaux « administrés » par le Guépéou, la police secrète.
Acte I
Phase latente
du génocide (1930)
Début février 1930
Première vague d’arrestations massives | En trois mois, 115.000 familles de « koulaks » dites de seconde catégorie vont être déportées, dont une majorité d’Ukrainiens et de non-russes habitant les fameuses « terres noires », autrement dit les plus fertiles. Le plus souvent livrés à eux-mêmes, 15% mourront dans les mois suivant, notamment les enfants et les vieillards. 15 à 20% pourront s’évader du fait de la désorganisation générale encore présente au cours de cette première phase.
L’Église ukrainienne attaquée | Fin janvier, l’Église orthodoxe ukrainienne animée par d’ardents patriotes, est dissoute de force. Le métropolite Mékola Boretskéï sera arrêté en juin et disparaîtra sans nouvelles en 1935, après avoir été jeté dans un asile d’aliénés… Un même sort attend Volodymyr Tchekhivskéï, ancien premier-ministre de l’UNR (fondateur de l’Église orthodoxe ukrainienne autocéphale) ainsi que son frère Mékola, prêtre de cette obédience mort en Sibérie à la fin des années 1930. Volodymyr Tchekhivskéï sera exécuté à Sandarmokh en Carélie, comme 300 autres intellectuels, scientifiques, artistes et politiques ukrainiens, entre 1937 et 1938. Trois quarts des églises ukrainiennes seront détruites en cinq ans, dont 70 édifices rien qu’à Kiev.
Mékola Skrypnyk sur la sellette | Le narkom à l’Enseignement ukrainien est ouvertement visé par Postychev*. Il devra donner sa démission six mois plus tard.
Première phase de « dékoulikasation » | Du 18 mars au 10 mars, intervention massive des tchékistes dans 29 okrougs (départements) de la RSS d’Ukraine.
Kosior* presse la collectivisation | Instruction au Comité central du Parti « ukrainien » : La steppe devrait être complètement collectivisée pendant la campagne des semis de printemps, et l’ensemble de l’Ukraine à l’automne 1930.
Mars 1930
Chasse aux nationalistes fantômes | « Procès antiterroriste » géant contre la SVU, l’Union pour la libération de l’Ukraine, entité purement fictive inventée par la police secrète. L’ancien borotbiste Panas Lioubtchenko, siégeant au Comité central du Parti communiste « ukrainien », est nommé procureur. La plupart des accusés sont des intellectuels, artistes et scientifiques, dont plusieurs linguistes non sans hasard. Trois écrivains sont accusés de projeter l’assassinat de Postychev*, Tchoubar et Balytsky*. A l’issue de ce « procès » inachevé, sur plus de 400 suspects, 15 seront fusillés et 192 déportés, notamment aux îles Solovki. Le même Lioubtchenko va par ailleurs jouer un rôle clé quelque temps plus tard, lors des confiscations de grain dans les fermes ukrainiennes.7Ironie de l’histoire, Lioubtchenko sera lui-même accusé d’ourdir un complot nationaliste en 1937. Craignant les persécution, il tuera sa femme et se suicidera. Selon une autre version, le couple aurait été fusillé. Un pseudo-procès est également ouvert contre une hypothétique « Organisation militaire polonaise » et d’autres conjurations tout aussi fictives.
Deuxième phase de « dékoulikasation » | Intervention massive des tchékistes dans 11 okrougs frontaliers de la RSS d’Ukraine.
« Le Vertige du succès » | En prévision des récoltes, Staline* publie dans la Pravda son fameux article sur le Vertige du succès dans lequel il autorise les paysans à sortir temporairement des kolkhozes. Il accuse les autorités locales d’avoir commis abus et autres violences. Trois mois plus tard, Staline suspendra les déportations. Entretemps, huit millions de familles auront quitté les kolkhozes.
Avril 1930
Quotas surélevés | L’Ukraine devra livrer 7.2 millions de t. en dépit de prévisions inférieures.
Emplois salariés interdits en Ukraine | Résolution du Comité exécutif central d’Ukraine « Sur l’interdiction du bail foncier et du recours à la main-d’œuvre salariée dans les exploitations individuelles dans les zones de collectivisation continue ».
Troisième phase de la « dékoulikasation » | Intervention massive des tchékistes dans 2 nouveaux okrougs de la RSS d’Ukraine ainsi que dans 3 autres déjà « dékoulakisés ».
Mai 1930
Interruption temporaire de la collectivisation forcée et des déportations de masse | Staline* recule, le temps d’engranger les récoltes (qui seront du reste excellentes). Les volumes céréaliers en 1930 seront deux fois supérieurs comparé aux deux années précédant la collectivisation.
Rébellions en Ukraine
Septembre 1930
Forte opposition à la collectivisation en Ukraine | Entre février et septembre, 284.000 cas recensés d’arrestations parmi les « antisoviétiques », soit cinq fois plus que prévu. Or seuls 44% proviennent des professions agricoles. Le clergé, l’intelligentsia et les instituteurs sont les premiers visés. L’opposition à la collectivisation dépasse de loin toute prévision.8Source : notes et rapports secret de l’OGPU retrouvés dans les années 1990 par Danilov et Berelowitch, notamment sur l’action des tchékistes en zone rurale.
Scènes médiévales en plein XXe siècle | Refusant de livrer le fruit de leur labeur et seul moyen de subsistance aux bolcheviques, des milliers de paysans se défendent comme ils peuvent, armés de fourches et d’armes de fortune. Plus d’un million en Ukraine, avec 4.098 cas de manifestations recensés pour la seule année 1930, soit environ 1/3 des manifestations dans toute l’Urss.
Quotas augmentés | Les quotas de grain déjà impossibles seront encore plus élevés, dépassant désormais les 8 millions de tonnes. A la fin de 1930, Staline* exigera que les quotas imposés à l’Ukraine soit remplis au plus vite (plus de 400.000 t. manquants).
Septembre-octobre 1930
Deuxième vague de déportations | L’Ukraine expressément visée, notamment sa partie la plus occidentale, théâtre de nombreuses rébellions et jacqueries au printemps. Environ 16.500 familles sont déplacées vers le Kazakhstan et l’Oural.9Source : télégramme de Messing à Balitsky* et Rappoport, 22 septembre 1930, in Danilov, op.cit.
20 février 1931
Nouveau plan de déportation | Au printemps, entre 200 et 300.000 familles devront être déportées, principalement vers le Kazakhstan méridional, déjà livré aux premiers signes de famine. En trois ans de collectivisation, le cheptel des éleveurs nomades sédentarisés de force aura chuté de 85%. Exode massif des affamés kazakhs vers la Chine et la Sibérie. Les Kazakhs vont perdre au cours de l’Holodomor un tiers de leur population, proportion au moins deux fois supérieure aux pertes que subira l’Ukraine.
Mai-septembre 1931
Troisième vague de déportations | 1.244.000 personnes, soit 265.000 familles déportées.10Voir Terry Martin, The Affirmative Action Empire. Nations and Nationalism in the Soviet Union, 1923-1939, Cornell University Press, 2001, p.300 ; Vassiliev et Shapoval, Komandiry Velikoho golodu, Kiev 2001, p.119-120, en russe.
L’Ukraine doit livrer 42% de sa récolte globale | Un taux bien supérieur comparé aux autres républiques. Ce taux sera encore supérieur l’année suivante, malgré les dangers de famine.
Création des « Torgsin » | Le 5 juin 1931, Molotov* ouvre un réseau d’établissements commerciaux à but purement spéculatif, où en échange d’or ou de bijoux, un emprunteur pourra se procurer des produits de première nécessité, dont la pénurie gonfle déjà dramatiquement les prix. Les calculs prévisionnels indiquent clairement des bénéfices plus importants en Ukraine qu’à Moscou, dans les années suivantes, ce qui prouve l’intention délibérée d’affamer l’Ukraine par une famine purement planifiée.
Décembre 1931
Fouilles dans les fermes | Le Comité central « ukrainien » ordonne la recherche de grain dissimulé dans les fermes. Molotov* est envoyé en Ukraine pour y superviser la « collecte » du grain.
« Liquidation des koulaks en tant que classe » | Staline* annonce la fin des « koulaks », autrement dit des paysans libres.
Janvier – février 1932
En deux ans, 500.000 déportés ont déjà disparu : les uns morts en déportation, les autres évadés. Kosior*, chef du PC « ukrainien », renforce encore les mesures de contrôle en région, alors que les cas de famine se multiplient. Avec Tchoubar, ils décident de ne pas fournir les kolkhozes en semailles. Ils en informent les différents échelons du Parti en région. En mars, Kosior* renforce les répressions. Des paysans sont enrôlés comme « activistes ».
La Crimée échappe à la famine, contrairement à la région de Kherson pourtant voisine. Sur la péninsule, les autorités judiciaires ont ordre d’interpeller les « voyageurs » emportant sur le continent des sacs de farines excédent un poude (16kg). En juin, l’ordre est limité aux tchékistes de sorte à rendre les interpellations plus discrètes.
Début mars 1932
Interruption de la « collecte » | Le grain destiné à l’exportation est débarqué des bateaux. La Chine, l’Iran et le Canada fournissent plus de 100.000 t. de grain.
Fin avril 1932
Kosior* nie la famine | Le chef du Parti « ukrainien » écrit à Staline* : Il y a quelques cas de disette dans les villages, mais ils sont dus à la négligence et l’incompétence des dirigeants locaux, surtout en ce qui concerne les kolkhozes. Il est catégoriquement impossible de parler d’une « famine » en Ukraine.
Collectivisation quasi-complète | Situation catastrophique dans les fermes d’État. Les paysans n’ayant pas déserté leur village par manque de nourriture, reçoivent une « aide » publique de 200 gr. de pain par jour pour les simples ouvriers agricoles et de 400 gr. pour les tractoristes. Les ressources techniques et humaines pour les prochaines moissons sont déjà épuisées.
Premiers articles français sur la famine
Mai 1932
« L’Ukraine si littéralement affamée » | Georges Luciani (alias Pierre Berland) publie en première page du Temps, le constat d’échec de la collectivisation stalinienne qu’il observe personnellement depuis Moscou. Il y décrit également l’Ukraine dans une situation bien pire et déjà en situation de famine : L’Ukraine, grenier de la Russie, si littéralement affamée que ses habitants viennent à Moscou vendre leurs hardes et mendier un morceau de pain (31 mai 1932). Pour autant, l’article ne mentionne rien qui soit lié aux persécution des nationalités.
L’Ukraine, épicentre des émeutes anti-collectivistes | A partir du mois de mai, des centaines d’émeutes contre la collectivisation forcée éclatent en Ukraine et au Kouban. En trois mois, le Guépéou va en recenser plus d’un millier, sur 1.630 dans toute l’URSS depuis le début de l’année.
Arrestation d’Alexandre Choumskéï | L’ancien chef de fil du « national-bolchevisme » ukrainien figurera au pseudo-procès de l’UVO pour « complot » contre l’État soviétique. Déporté aux îles Solovki, il sera assassiné en 1946 sur ordre de Staline*, Khroutchev* et Kaganovitch*, par le célèbre agent Alexandre Soudoplatov*.
Juin 1932
« Une grande partie souffrait de la faim » | Lettre de Vlas Tchoubar à Staline* et Molotov* : Je me suis rendu dans de nombreux villages dans ces régions et partout j’ai pu constater qu’une bonne partie des villageois souffrait de la faim.
Quotas non-atteints | Le plan n’est accompli qu’à hauteur de 86.3% en Ukraine.
Acte II
Phase préparatoire
du génocide (été 1932)
Juin 1932
Aucune aide à l’Ukraine! | L’Orgburo (Bureau central de sûreté de l’Etat) confirme et applique la décision du Comité central du Parti bolchevique datée du 20 juin, ordonnant d’interrompre les livraison de grain à l’Ukraine. Staline* et le Comité central considèrent que les Ukrainiens ont reçu trop d’aide. (Lettre à Kaganovitch du 15 juin 1932)
Opposition puis soumission des communistes ukrainiens | Ces derniers jugent « irréaliste » le plan de collecte en Ukraine. Staline les accuse d’entraver les livraisons. Molotov* et Kaganovitch* assistent à la IIIe Conférence du PC ukrainien, mais n’approuvent aucune objection formulée vis-à-vis de Moscou, notamment par les bolcheviques ukrainiens Skrypnyk, Pretrovsky et Tchoubar, demandant en vain une aide de Moscou, notamment en vue des prochaines récoltes. (Tchoubar demandait au moins 16 millions de t. le 10 juin 1932.)
Directive secrète de Molotov* et Kaganovitch* | En réponse, les envoyés de Staline ordonnent le renforcement des réquisitions et l’interdiction de tout commerce, en plus des mesures punitives contre les affamés. (25 juillet)
Le Kazakhstan sacrifié pour mieux abattre l’Ukraine | Staline* ne débloque qu’une « aide » dérisoire pour le Kazakhstan affamé depuis plus de six mois. Il doit surtout maintenir l’appareil bolchevique local et réserver les stocks kazakh pour les villes et les forces armées, avant de s’attaquer à l’Ukraine, sa véritable cible.11Niccolo Panciola, spécialiste de la famine kazakhe, pense que les réserves du Kazakhstan devaient compenser les pertes ukrainiennes : The Kazakhs were consciously sacrificed in order to prop up the faltering collectivised agriculture system and to feed workers and Soviet élite cities’. Kazakh resistance to collectivisation and procurements was violent and widespread, but the Kremlin saw it as politically unthreatening. In September 1933 Stalin noted that what he called « Kazakh nationalism » was much weaker and less dangerous for the Soviet state than the Ukrainian equivalent. Ukraine’s geopolitical position closer to hostile powers worried Moscow much more than Kazakhstan’s more protected location. Extrait de “Ukraine and Kazakhstan: Comparing the Famines”, Cambridge University Press, 23 July 2018.
Jacqueries et manifestations en nombre, principalement en Ukraine | Depuis le début de l’année, 56% des manifestations anti-collectivisation constatées en Urss ont eu lieu en Ukraine.
2.7 millions de ruraux sur les routes | D’après le Guépéou, les villages se dépeuplent. Dans certains districts, l’exode des affamés concernerait jusqu’à 50% de la population.
Résultats catastrophiques des moissons | En juillet 1932, l’Ukraine n’a récolté que 32.760 t. de grain, contre 16 fois plus l’année précédente.
L’Ukraine, cible prioritaire de Staline
Août 1932
« Le plus important, c’est l’Ukraine » | Le 11 août, instructions spéciales de Staline* à Kaganovitch*: les convois de grain pourront au besoin être placés sous la garde d’activistes armés, disposant de droit de vie et de mort sur quiconque tentera de s’en emparer. Staline* insiste : le plus important, c’est l’Ukraine. Nous devons en faire dans les plus brefs délais une véritable forteresse soviétique, une république-modèle. Peu importe le prix.
« On va perdre l’Ukraine » | Staline*, en idéologue parfaitement paranoïaque, fait part de ses inquiétudes à Kaganovitch* quant à une action de Pilsudski et de ses agents en Ukraine. A cette occasion, il remet en cause l’efficacité de Redens* et Kosior*, d’ascendance polonaise tous les deux. Staline entend même remplacer Kosior* par Kaganovitch* à la tête du Parti communiste « ukrainien ». La signature d’un pacte de non-agression avec Varsovie quelques semaines plus tôt n’y change rien.
Le Politburo informé de la situation | Au cours d’une réunion du Bureau politique dirigeant de fait l’Urss, Molotov* reconnaît qu’une famine se profile, qui plus est en Ukraine et dans les régions agricoles les plus riches, mais ne préconise aucune contre-mesure. Au contraire, il signe le 2 août le décret ordonnant l’augmentation des quotas pour l’Ukraine, conformément à une décision du Conseil des narkoms. Il ordonne également au Guépéou et à la milice d’écarter tout vendeur de grain ou de farine.
Loi dite des Cinq épis | Le 7 août 1932, un décret spécial de Staline* vise les affamés, en particulier les enfants. Lourdes peines pour tout vol ou dilapidation de la propriété socialiste, y compris pour quelques épis de blé ou de seigle. En six mois, 125.000 condamnations vont être prononcées, dont 5.400 à la peine capitale.
La presse complice | La Pravda et l’appareil du PC « ukrainien » organisent une campagne de choc en vue de démasquer les fraudeurs et autres saboteurs de la « collecte ». Durant deux semaines, des fouilles ont lieu dans les fermes d’Ukraine. Malgré l’implication de 100.000 volontaires, elle ne donne rien. Staline* comprend que le plan est réellement irréaliste, mais persiste néanmoins à tenir l’Ukraine sous pression.
Septembre 1932
Directives secrète au Guépéou | Staline* confirme la peine capitale contre les « koulaks » et en informe secrètement les organes judiciaires d’Ukraine soviétique (16 septembre). Par ailleurs Ivan Akoulov*, membre du Poliburo et de l’Orgburo, se charge tout aussi secrètement d’écourter les procédures judiciaires, notamment celles des peines capitales liées à la Loi des cinq épis.
Directive secrète de la Milice | La Direction générale de la Milice « ukrainienne » interdit aux paysans de vendre leur grain jusqu’au 15 janvier 1933. Postychev* ordonne au Comité central « ukrainien » la complète application du plan de réquisitions.
Octobre 1932
Commission spéciale pour l’Ukraine | Au nom du Politburo, Molotov* constitue une « équipe de choc » et en prend la tête. Le chef du gouvernement soviétique se rend alors en Ukraine pour superviser personnellement les répressions contre la paysannerie, parmi lesquelles la confiscation totale de nourriture et l’impossibilité d’en acheter.
Confiscations de la nourriture | Khatayevitch* ordonne aux cadres locaux du Parti de prendre des mesures décisives.
Délais raccourcis de 10 fois | Le Politburo « ukrainien » avec Kosior* à sa tête, exige que les quotas soient réalisés en dix fois moins de temps.
Près de 400.000 morts depuis mars | Les archives locales révèlent une forte mortalité due à la famine : en six mois, elle a déjà emporté 382.510 vies.
Mobilisation générale du Parti « ukrainien » | Le 12 octobre, toute l’organisation du Parti bolchevique en Ukraine est affecté à la « collecte » du grain.
Échec du Plan annuel en Ukraine | Au 25 octobre, à peine 39% des objectifs ont été atteints. Seuls 1.403 kolkhozes sur 23.270 ont atteint les 100%.
Commissions spéciales en Ukraine et au Kouban | L’échec du plan est imputé par Staline* aux seuls paysans ukrainiens, mais ce dernier considère qu’il est encore possible d’atteindre les objectifs en faisant usage de la force. Le 22 octobre, le Comité central envoie Molotov* en Ukraine et Kaganovitch* au Kouban.
Yagoda* interdit les marchés de Crimée aux Ukrainiens | Pour éviter que la Crimée épargnée par la famine ne fournisse en pain les Ukrainiens du continent, le n°2 du Guépéou ordonne aux tchékistes de Crimée d’interdire la vente de blé, farine et de pain sur les marchés. Dès le 17 octobre, les Ukrainiens du continent ne peuvent plus s’approvisionner sur la péninsule.
Acte III
Phase active
du génocide (hiver 1932)
Novembre 1932
Les « commissions spéciales » de Molotov* et Tchoubar | Le 18 novembre, une résolution spéciale du Comité central « ukrainien » ordonne aux Commissions de contrôle locales la vérification des inventaires : le circuit comptable de chaque kolkhoze doit être ainsi décortiqué par le Parti jusqu’à l’arrestation des « fraudeurs et autres saboteurs ». | Le 21 novembre, Molotov* et Tchoubar vont plus loin et demandent à Staline* la permission de former des « commissions spéciales » pouvant faire usage de la peine capitale. Moïse Kalmanovitch* (chef du commissariat à l’agriculture) et Vassili Stroganov*, numéro 2 du Parti « ukrainien », contresignent.
Kosior* ordonne la « judiciarisation » des confiscations. Désormais les procureurs sont impliqués dans la « collecte » et peuvent mettre en accusation les comptables, magasiniers, responsables du matériel, etc.
« Tactique de choc« | Au Politburo, Staline* plaide pour une tactique de choc. Parallèlement, il accuse le PC kazakh de « sabotage koulak« .
Directive secrète aux brigades de réquisition | Le Comité régional (Obkom) de Kiev donne 48h aux responsables des « collectes » pour vérifier l’état du Plan dans chaque village et ferme de la région.
Mesures spéciales pour l’Ukraine!
Arrêt de mort | Désormais un tiers des quotas de toute l’Urss doivent être fournis par les seuls paysans ukrainiens au plus tard fin janvier, délai impossible à tenir.
Ces mesures pour la plupart signées Molotov* et Staline* (notamment le 18 novembre et le 14 décembre 1932) sont le plus souvent votées par le Comité central « ukrainien » et le gouvernement soviétique. Tchoubar, chef du gouvernement d’Ukraine soviétique, les contresigne au nom de la république. Elles vont considérablement aggraver le bilan humain de la collectivisation dans la RSS d’Ukraine.
Mêmes mesures au Kouban | Cette région, largement peuplée d’Ukrainiens et de Cosaques, a toujours été considérée comme hostile par les bolcheviques.12En 1918, la République du Kouban avait demandé son rattachement à l’Ukraine indépendante, la population locale comptait sur une intervention germano-ukrainienne contre les bolcheviques. Dénikine et l’Armée blanche feront avorter le projet par le meurtre et la terreur, attisant d’autant plus le sentiment antirusse. Mais les hésitations de Skoropadky (hetman de l’Ukraine sous protectorat allemand) finiront par lasser les habitants du Kouban. Après la victoire de l’Entente, la région envisagera son indépendance sous la forme d’une république démocratique pro-occidentale séparée de l’Ukraine. N’ayant obtenu aucun soutien, la Rada du Kouban sera balayée par les bolcheviques en mars 1920, qui s’acharneront sur l’identité “traditionnelle”, cosaque et ukrainienne de la région. Par conséquent, la presse, la radio et les administrations du Kouban devront sur-le-champ revenir à la langue russe. L’ukrainien est totalement exclu des institutions. Là encore, les quotas de grain manquants devront être atteints dans des délais impossibles, autant dire fatals.
A noter que l’arrêt de l’ukrainisation et les tableaux noirs sont appliqués au Kouban avant même que Moscou n’envoie les directives de Staline* et Molotov* votées secrètement le 14 décembre. Dès le 2 novembre, Kaganovitch* et Mikoyan* (bolchevique arménien, narkom à la logistique, frère du célèbre avionneur) assistent à une réunion du Parti dans le district ethniquement ukrainien de « Stanétsia Poltava » au Kouban, là-même où Cheboldaïev* préconise les mesures punitives les plus extrêmes…
Les bolcheviques ukrainiens visés à leur tour | Mendel Khatayevich* (membre du Politburo « ukrainien ») et Molotov* sont envoyés en Ukraine pour exiger la réalisation des quotas par définition irréalisables. Les cadres politiques et agricoles de la république sont désormais prévenus. Alors que les « activistes » fouilleurs de grain sont gratifiés d’une prime, les noms des responsables politiques et directeurs de kolkhozes « sur la sellette » ou exclus du Parti sont publiés. En Ukraine, la presse publie également les décrets du procureur général et du narkom à la Justice autorisant les moyens de répression les plus radicaux à l’encontre des « ennemis de classe » et autres « koulaks entravant la collectivisation« .
Chasse aux « contre-révolutionnaires koulako-pétliouristes » | Vsevolod Balitsky* est envoyé en Ukraine en tant que plénipotentiaire de l’OGPU dans cette république. Il a ordre de « redresser » le Guépéou « ukrainien », dirigé par Stanislaw Redens*. Balitsky* signe une circulaire en russe, dans laquelle il déclare la guerre aux « pétliouristes » et autres « nationalistes » ukrainiens sabotant la collectivisation. L’opération est menée secrètement. La moitié du territoire est passée au crible, soit 243 districts. Toute personne pouvant nuire au Plan en s’opposant aux réquisitions est arrêtée, les fermes sont fouillées de fonds en combles.
Régulation des déplacements | Dans toute l’Urss, les citadins doivent dorénavant disposer d’un passeport intérieur, alors que les paysans en sont privés et sont de facto assignés à résidence « pour les besoins de l’État soviétique ». Les villes, en particulier Moscou et Leningrad, doivent se prémunir contre les éléments nuisibles. Le Comité exécutif du PC « ukrainien », dirigé par Pétrovsky, instaure fin décembre, la « propiska » régulant la circulation des personnes.
Novembre-décembre 1932
Mesures d’exception en Ukraine et au Kouban | Contre les paysans : « amendes en nature », confiscation de toute denrée en cas d’incapacité de fournir les quotas ; tableaux noirs (listes d’exclusion) pour les fermes, villages, districts et autres communautés n’ayant pas satisfait aux réquisitions ; blocus des régions ukrainiennes. Contre l’identité ukrainienne : arrêt de l’ukrainisation et feu vert pour éliminer les cadres communistes « coupables de nationalisme petit-bourgeois« . Contre les communistes : Staline* insiste bien sur ce point dans une logique de purges.
Début décembre 1932
Troïkas de la mort | Le 5 décembre, une résolution du Politburo « ukrainien » accélère les procédures répressives. Le procureur de Région ainsi que les chefs régionaux du Parti, de la Commission de Contrôle et du Guépéou, auront désormais jusqu’à 5 jours pour « traiter » chaque cas. Les tribunaux sont placés sous l’autorité de ces « troïkas de la mort ». Le 11 décembre, même système au sein du Guépéou.
Premier districts condamnés à la faim | Le premier cas de « tableau noir » est attesté au Kouban, dans le journal de Kaganovitch*. Un village entier est mis dans un isolement total.13V. Komandiry Velikoho golodu, op. cit. En Ukraine, l’organe législatif suprême valide le système des « tableaux noirs » et l’impose à six villages dès le 6 décembre. | Kosior*, dans sa lettre à Staline daté du 9 décembre 1932, plaide en faveur des amendes en nature, autrement dit à la confiscation du bétail et autres biens. | Le Conseil des ministre de la RSS d’Ukraine interdit la vente de pomme de terre dans les districts refusant le contrôle des « collectes ». Une vingtaine de districts sont visés dans les oblastеs (régions administratives) de Tchernihiv, Kiev et Kharkiv. Idem pour la viande et les bêtes sur pieds.
« Grand remplacement » | Premiers districts « blacklistés » au Kouban. Ils sont menacés de déportation par le Parti local (4 novembre 1932) qui est entièrement purgé : près de 40.000 membres sont exclus en novembre et décembre, 30.000 autres quittent le Kouban. Trois stanétsias ukrainiennes (colonies cosaques) sont entièrement dépeuplées, soit 45.600 personnes déportées vers l’Asie centrale. On les remplace par des soldats démobilisés de l’Armée rouge14Notez que les nazis feront la même chose en Ukraine du côté de Vinnétsia durant l’Occupation, avec cette fois des colons allemands., tout comme les écoles ukrainiennes, que l’on remplace par des écoles russes. Douze autres territoires cosaques du Kouban vont être « blacklistés » sur les Tableaux noirs. Cette mission contre les « contre-révolutionnaires » du Kouban est confiée à Yagoda* envoyé sur place (bolchevique juif originaire de Moscovie). C’est à lui que Yevdokimov*, chef du Guépéou nord-caucasien, demande des moyens exceptionnels, dont une division de cavalerie, une division motorisée, et surtout le droit d’exécuter les suspects sans procès « afin d’atteindre plus rapidement les contre-révolutionnaires koulako-blancs« .15V. le document en russe.
Discriminations ethniques au sein du Parti!
14 décembre 1932
Discrimination ethnique | Staline* accuse les communistes d’Ukraine et du Kouban de « pétliourisme ». Une résolution secrète vise expressément les cadres communistes d’Ukraine et du Kouban, parlant de « saboteurs encartés au Parti, pires ennemis de la classe ouvrière et des paysans kolkhoziens« .
Arrêt de l’ukrainisation au Kouban et dans les régions ukrainiennes d’Urss | La résolution secrète du Comité central et du Conseil des ministres signée le 14 décembre, critique les cadres ukrainiens de l’ukrainisation, une politique qui serait menée elle aussi par des « pétliouristes ». La résolution interrompt l’ukrainisation au Kouban et vise l’intelligentzia ukrainienne en général. Le 15 décembre 1932, un télégramme de Molotov* et de Staline* étend cette interruption aux régions de Koursk et de Voronej (contiguës à la RSS d’Ukraine) ainsi qu’aux colonies ukrainiennes d’Extrême Orient, de Sibérie et du Turkestan peuplées de 4 à 5 millions d’Ukrainiens.
Premier écho de la famine en Galicie | Constantin Matsiyevych, diplomate pétliouriste en exil, alerte le chef de l’Eglise gréco-catholique à Lviv, Andreï Cheptétskéï (Szeptycki). Les informations qui lui parviennent d’Ukraine sont effrayantes : « La famine revient en Ukraine avec une ampleur et une gravité sans précédent« .
Fin décembre 1932
Kaganovitch* et Postychev* envoyés en Ukraine | Le 18 décembre Kaganovitch* et de Postychev* sont envoyés en Ukraine, Staline doutant des cadres locaux. Les quotas de grains livrés par l’Ukraine n’ont été remplis qu’à 72%. Le Comité central à Moscou entend y remédier…
Échec de Balytsky | Après trois semaines de fouilles, Balytsky annonce devant le Comité central « ukrainien » que 7.000 caches enterrées et 100 granges secrètes ont été découvertes, représentant un total de 11.410 t. de grain seulement. Le Plan ne pouvant être atteint uniquement par les fouilles, Balytsky préconise la confiscation des semailles. Tchoubar se prononce en faveur des « amendes en nature ».
27.000 arrestations et 108 fusillés en 6 mois | Dans son rapport au Politburo, Balytsky soutient que depuis son arrivée en Ukraine, 16.000 coupables ont été arrêtés, dont 409 chefs de kolkhozes et 107 responsables exécutifs de canton. 108 ont été condamnés à mort par les « troïkas », cent autres cas sont en cours…
Janvier 1933
Première négation officielle | A Moscou, le narkom aux Affaire extérieures, Maxime Litvinov* déclare dans une interview au Times qu’il n’y a aucune famine.
Renforcement des mesures répressives | Le 1er janvier 1933, un télégramme de Staline* à Kosior* ordonne aux autorités locales de renforcer les répressions. Khatayevytch* et Tchoubar transmettent les ordres aux instances du Parti en Ukraine.
Blocus des campagnes ukrainiennes | Directive de Staline* et Molotov* ordonnant aux organes de sécurité d’empêcher « par tous les moyens, le départ massif des paysans d’Ukraine« . (22 janvier) | Mesures identiques au Kouban.
Postychev* nommé Secrétaire adjoint du Parti « ukrainien ». En réalité, il prend la tête de la république (qu’il connaît bien). D’autres changements au sein de la direction communiste « ukrainienne » sont prévus par Moscou. Malgré la famine, Staline* entend assurer la prochaine campagne de semailles en Ukraine, malgré l’absence de réserves et la main-d’œuvre très affaiblie.
Février 1933
Confinement de l’Ukraine | 220.000 paysans ukrainiens, fuyant leur village, buttent sur les barrages de l’Armée et du Guépéou. 190.000 sont renvoyés chez eux, vers une mort certaine ; les autres sont internés ou déportés.
Black-out médiatique de l’Ukraine | Une résolution du Comité central impose aux journalistes étrangers une autorisation préalable de circuler à intérieure de l’Urss (autorisation délivrée par la Direction générale de la Milice).
Censure statistique | Une directive spéciale interdit toute mention de famine en Ukraine, entre autres sur les certificats de décès. A l’exception du Guépéou, toutes les administrations de la république, même villageoises, sont concernées.
« Aide » très partielle à l’Ukraine | La collecte du grain est officiellement terminée le 6 février. Le lendemain, une première « aide » est envoyée en Ukraine, mais destinée avant tout à la prochaine campagne de semailles et à ceux qui la conduiront. Ramené au nombre d’habitants, le pseudo-secours alimentaire de Moscou à l’Ukraine ne représentera que 3% de la consommation annuelle d’un paysan.
Incitation à la délation | Parallèlement, Postychev* promet pour chaque dénonciation 10 à 15% du grain trouvé.
Mars 1933
Le Politburo nomme Karl Karlson* et Israël Leplevski* comme bras droits de Vsevolod Balitsky* au Guépéou « ukrainien ».
Pogrom des agronomes ukrainiens | Staline* rejette la faute sur les ingénieurs-agronomes ukrainiens. Le Guépéou d’Union soviétique « juge » 75 fonctionnaires du secteur en Ukraine et au Kouban, dont 35 sont fusillés. L’Institut d’agronomie de Kharkiv est particulièrement visé. Au total, les universités et instituts ukrainiens vont perdre 270 chercheurs et professeurs.
31 mars 1933
Polémiques médiatiques et dénégations | A Moscou, le commissaire aux Affaires étrangères Maxime Litvinov* continue de nier toute famine dans une interview avec le reporter britannique Gareth Jones (lequel vient pourtant de parcourir l’Ukraine et le Kouban). Le même jour, dans le NY Times, le reporter-vedette Walter Duranty « témoigne » : Les conditions sont mauvaises, mais il n’y a pas de famine(…) De toute façon, pour être franc, on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs. Gareth Jones, qui conteste cette version, est déclaré persona non grata en Urss.
Acte IV
Phase décisive
du génocide (printemps 1933)
Mai-Juin 1933
Lettres de Kharkiv | Le consul italien en poste à Kharkiv, alors capitale de l’Ukraine soviétique, écrit à sa hiérarchie plusieurs dépêches diplomatiques ne laissant aucun doute sur l’action et les intentions de Moscou en Ukraine : Désormais, le dessein d’enlever à l’Ukraine toute possibilité de revendications autonomistes est clair. On va vers une russification du Donets… Le consul Gradenigo16De son vrai nom Augusto Sergio Bienenfeld, écrivain, traducteur, explorateur des Alpes, le consul italien s’engagera même en Abyssinie, à cinquante ans passés. Ses dépêches furent visées par le Duce en personne. précise les méthodes employées. Il indique également par qui : les Juifs du Guépéou voulant remplacer la population ukrainienne, même s’ils ne sont qu’un maillon de la chaîne.
L’épée flamboyante du prolétariat | L’enfant terrible de la presse conservatrice, Malcolm Muggeridge, sillonne l’Ukraine ainsi que le Kouban. Il publie ses reportages encore anonymes dans le Morning Post, journal pour le moins anticommuniste qui lui permet d’accuser ouvertement les bolcheviques juifs : L’épée flamboyante du prolétariat s’est forgée dans les ghettos. (L’épée flamboyante du prolétariat: périphrase ironique alors en vogue pour désigner le Guépéou.)
Le président de la SDN informé | Deux députés ukrainiens du Parlement polonais écrivent à J. Mowinckel, président de la Société des Nations. Un rapport sera présenté en octobre…
Suicide de Mékola Khvéliovéï | Le 13 mai 1933, le célèbre romancier ukrainien met fin à ses jours en signe de protestation contre l’infamie russo-communiste en Ukraine, suivi de Skrypnyk trois semaines plus tard.
Juin-juillet 1933
Paroxysme de la mortalité | Plus d’un million de mort en Ukraine au cours du mois de juin. Trois millions depuis janvier. Les réserves de blé en juin-juillet atteignent pourtant le million de tonnes, de quoi largement couvrir les besoins alimentaires des affamés.
Fin provisoire du génocide par la faim
Conséquences sur la mortalité quasi immédiates | Malgré un nombre de décès toujours important (y compris en 1934, avec 160.000 morts pour la seule RSS d’Ukraine) l’arrêt partiel des réquisitions et des mesures d’exceptions mettent fin au pic de mortalité vertigineux.
Le Donbass relativement épargné | En tant que bassin minier crucial pour le plan quinquennal, le Donbass est la région d’Ukraine la moins touchée par le génocide de 1933, à l’exception notable des districts peuplés de Grecs pontiques (30% sont morts durant l’Holodomor) et des districts les moins industrialisés de l’oblaste. Mais en comptant la région de Louhansk, qui ne faisait pas partie du Donbass à l’époque, les proportions demeurent conséquentes. Les régions centrales d’Ukraine, comme celle de Kiev, ainsi que celle de Kharkiv sont de très loin les plus touchées, compte tenu des réquisitions ayant été plus intenses ici que dans les autres régions.
Quatre fois plus de pertes en Ukraine qu’en Russie | En proportion du nombre d’habitants, la RSS d’Ukraine a subi quatre fois plus de pertes que la RSS de Russie, par ailleurs essentiellement touchée dans le Kouban peuplé d’Ukrainiens et dans la Basse Volga peuplée d’Allemands. Le bilan en données absolues pour l’Ukraine s’élève à 3.942.500 victimes, contre 3.265.100 pour la RSS de Russie.
Sept fois plus au Kazakhstan | Avec 22% de sa population décimée (soit 1.258.200 de victimes) le Kazakhstan est sept fois plus touché que la RSS de Russie.
Début du génocide
« par la culture »
Russification, épuration
de l’Enseignement ukrainien
Skrypnyk dans le collimateur de Moscou | Pavel Postychev* également envoyé dans la basse Volga durant la famine, s’en prend au national-bolchevique ukrainien Mékola Skrypnyk, ex-commissaire à l’Enseignement d’Ukraine, l’accusant directement d’avoir « abandonné le secteur de l’Enseignement, à présent repaire de nationalistes. »
Russification de l’Enseignement | Rien qu’en 1933, deux cents fonctionnaires du Commissariat du peuple à l’Enseignement vont être « épurés », les directions régionales remplacées à 100%, celles des districts à 90%. Tous ces cadres seront d’une façon ou d’une autre persécutés. Quatre mille enseignants seront renvoyés. A contrario, le nombre des écoles et des classes russes en Ukraine va augmenter.
« Nationale par la forme, socialiste par le fond » | Le bolchevique ukrainien Andriy Khvélia-Olinter, membre du Comité centrale « ukrainien » et vice-commissaire à l’Enseignement, s’en prend violemment aux contestataires de la nouvelle orthographe ukrainienne, les qualifiant de pourritures pétliouristes. Pour cet idéologue également chargé de superviser la « collecte » du grain en pleine famine, la culture ukrainienne doit être « prolétarienne », c’est à dire « nationale par la forme, socialiste par le fond ». En d’autres termes, plus proche de sa « consœur russe ». [V. septembre 1933]
7 juillet 1933
Article sans concession dans l’Osservatore romano | Pie XI permet la publication d’un article dévoilant l’existence d’une famine en Ukraine soviétique : Sotto il giogo bolscevico: l’Ucraina nel terrore (Sous le joug bolchevique : l’Ukraine dans la terreur). Le futur Pie XII, Eugenio Pacelli alors à la tête de la Curie romaine, préconisera cependant une « politique prudente ».
Suicide de Mékola Skrypnyk | Ennemi de la russification originaire du Donbass et meneur de l’ukrainisation officielle, les accusations portées contre Skrypnyk par Lioubtchenko le qualifiant de « déviationnisme koulako-nationaliste« , et surtout les pressions de Postychev* pour obtenir ses « aveux » et autocritique, auront poussé ce bolchevique historique à bout. En mourant dans les bras de Kosior*, juste après une réunion du Comité central « ukrainien », il aurait demandé pardon, mais pour son dernier geste seulement.
24 juillet 1933
Réaction de l’Eglise gréco-catholique ukrainienne | En Galicie alors polonaise, l’Eglise gréco-catholique brillamment dirigée par Andreï Cheptétskéï, alerte le monde au sujet de la famine artificielle. Le Comité civique ukrainien pour le salut de l’Ukraine est créer le lendemain, regroupant 35 organisations ukrainiennes de Galicie et présidé par trois parlementaires ukrainiens à la Diète polonaise : Vasyl Moudréï (président de l’UNDO), Dmytro Levétskéï et Milena Roudnéstka. Cette dernière parviendra à faire parler de la famine devant la SDN deux mois plus tard et rencontrera personnellement Benito Mussolini.
Remplacement
de la population autochtone
Août 1933
Désethnicisation des villages dépeuplés par la famine | Le 31 juillet 1933, le Comité central ordonne l’envoi de 20.000 familles de paysans russes et biélorusses en Ukraine. Affaire surveillée de près par Staline*, Molotov* et Kaganovitch*.
En août-septembre, premières mesures spéciales du Comité pansoviétique de migration, théoriquement destiné à gérer les zones démographiquement faibles. En réalité, ce comité va procéder au remplacement des populations décimées par l’Holodomor. Au total, 100.000 personnes originaires de Russie seront implantées dès 1933 dans les villages d’Ukraine avec ou sans leurs bêtes. En 1933, le nombre d’exécutions et de déportations d’Ukraine vers la Sibérie dépasse celui des grandes purges en 1937…
Réveil de l’opinion ukrainienne
hors d’URSS
Аppel à la mobilisation de l’opinion | Un appel contre contre la famine et les horreurs du communisme en Ukraine paraît le 14 août 1933 à Lviv, dans l’organe officiel de l’UNDO, principal parti (légal) ukrainien en Pologne.
17 août 1933
Première apparition du mot « Holodomor » dans la presse | Le terme a pour la première fois été utilisé dans la presse tchèque pour désigner spécifiquement la famine ukrainienne. On le trouve dans l’article « Hladomor v SSSR » publié dans le journal praguois17Prague ayant été dans l’entre-deux-guerres, un important centre intellectuel pour la diaspora ukrainienne. Večernı́k P.L. Le terme ne paraîtra en ukrainien qu’en 1968, dans l’ouvrage de Pavlo Shtepa, « Moskovstvo » (La Moskalerie).
Appel du Cardinal Innitzer | Le 20 août 1933, le cardinal autrichien Innitzer publie un appel urgent en première page du Reichspost (journal conservateur et catholique) en utilisant délibérément la fameuse formule des Croisades « Deus lo vult » : faisons une action fraternelle commune avant qu’il ne soit trop tard ! Dieu le veut ! L’appel du cardinal est repris dans une article du NY Times le même jour.
24 août 1933
Comité d’aide aux affamée d’Ukraine (Paris) | La filiale du Comité civique ukrainien pour le salut de l’Ukraine fondé un mois plus tôt à Lviv, est présidé à Paris par Alexandre Choulguine, diplomate pétliouriste en exil. Mais à Genève, siège de la SDN, le contact avec les diplomates étrangers sera surtout établi par l’intermédiaire du chef de l’OUN, Yevhen Konovalets.
Premières négociations françaises
26 août / 9 septembre 1933
Voyage en Ukraine soviétique d’Édouard Herriot | L’ancien président du Conseil, en traversant l’Ukraine, ne voit que « des jardins potagers de kolkhozes admirablement irrigués et cultivés« . Cherchant une « alliance de revers » avec Staline (contre l’Allemagne qui se réarme) le politiciens français se laisse abuser par les villages Potemkine et la mise en scène de paix et d’abondance : « Lorsqu’on soutient que l’Ukraine est dévastée par la famine, permettez-moi de hausser les épaules. » Trois jours plus tard, un autre politicien français, Pierre Cot, ministre de l’Air dans le gouvernement Daladier, est invité à sont tour en Urss. Même cécité.
29 et 30 août 1933
Premier grand article français à dénoncer le crime génocidaire | En une du Matin, journal de droite, Suzanne Bertillon présente d’emblée la famine comme un moyen de lutter contre l’identité ukrainienne. L’auteur cite Gareth Jones, le cardinal Innitzer, Ewald Ammende, Otto Schiller, etc.
Septembre 1933
SDN et Croix Rouge Internationale | Le premier-ministre norvégien J. Mowinckel, présidant la Société des Nations, soulève la question de la famine ukrainienne et propose qu’une aide soit votée. Seuls quatre nations acceptent : l’Italie, l’Allemagne, la Norvège et l’Irlande. Dix autres votent contre, dont la France. La séance se déroule à huis-clos. Milena Rudnicka18Milena Roudnétska, féministe et nationaliste modérée, membre de l’UNDO, principal parti ukrainien légal en Pologne., une des rares députées ukrainiennes à la Diète polonaise, s’était chargée de la rédaction du rapport (du reste très solide) au sujet de la famine et son inscription à l’ordre du jour. Elle y est parvenue, malgré la forte opposition de représentants français, comme Joseph Avenol, futur Secrétaire général de la SDN. Le président Mowinckel transmettra le dossier à la Croix Rouge Internationale. Il va de soi, Moscou niera toute famine, et trois mois plus tard une réfutation officielle sera envoyé, accusant même le diplomate norvégien de s’être rétracté!19L’auteur de la lettre n’est autre qu’Avel Enoukidzé*, bolchevique géorgien, proche ami de Staline, parrain de sa deuxième femme, Nadiejda Allilouïeva, suicidée quelques semaines auparavant…
Appel au boycott du blé soviétique | En septembre, Alexandre Choulguine et le gouvernement de l’UNR en exil appellent la SDN à ne plus importer de blé soviétique. Le 16 octobre, il fustige E. Herriot dans un article publié en page 3 du Figaro : « La famine en Ukraine ».
Russification forcée, arrêt de l’ukrainisation officielle | Nouvelle orthographe ukrainienne artificiellement rapprochée du russe (et toujours en vigueur). Idem des travaux lexicographiques. En octobre, un article de Naoum Kaganovitch* (sans lien de parenté avec Lazare Kaganovitch) condamne violemment les « théories linguistiques du nationalisme petit-bourgeois« . Il va jusqu’à inciter au pogrom des linguistes ukrainiens (!) réfractaires à la russification de la langue ukrainienne. Au même moment, Andriy Khvélia parle d’éradiquer les racines nationalistes du front linguistique… Une rhétorique extrémiste bien évidemment dictée par Moscou.20Naoum Kaganovitch sera lui-même accusé de “trotsko-nationalisme” en lien avec les réseaux polono-fascistes et bien évidemment “terroristes”. Mort en 1938 au Goulag, après un témoignage porté contre lui par un autre Juif ukrainien, traducteur de Lénine…
William Henry Chamberlin en Ukraine et au Kouban | Correspondant du Manchester Guardian et du Christian Science Monitor, le journaliste américain publiera « Russia’s Iron age » en 1934.
20 octobre 1933
Procès fabriqué contre de pseudo-nationalistes ukrainiens | Balitsky* confirme l’acte d’accusation contre l’UVO, prétendue « organisation paramilitaire nationaliste ».
21 octobre 1933
Attaque du consulat soviétique à Lviv | En signe de protestation contre le silence des « démocraties », l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) décide d’assassiner le consul soviétique de Lviv alors polonaise, en vue d’un procès médiatique. L’OUN envoie le jeune militant Mékola Lemyk qui se trompe de cible, mais abat tout de même l’agent soviétique Andreï Maïlov*.21Andreï Maïlov* était un proche ami de Pavel Soudoplatov, assassin de Trotski* et de Konovalets entre autres. Lemyk a remarquablement accompli sa mission en touchant l’agent stalinien en pleine tête et en plein cœur. Il sera condamné à perpétuité par les Polonais puis pendu par les Allemands en octobre 1941.
Novembre-décembre 1933
Washington reconnaît l’URSS | Roosevelt ne fait aucun cas de la Famine. Un grand banquet au Waldorf Astoria de New York célèbre l’amitié soviéto-américaine. Caviar et vodka sur le dos des millions d’affamés. Les milieux d’affaires américains seront bientôt déçus, mais pour l’heure, le New Deal monté par Morgenthau Jr. fait passer les affaires avant tout.22Ironie de l’histoire, en 1915 son père Henry Morgenthau (ambassadeur à Constantinople) avait alerté Washington lors du génocide arménien perpétré par les Ottomans alors alliés des Allemands. Idem pour les pogroms de Pologne en 1918.
Conférence internationale d’Ewald Ammende à Vienne | En décembre, le journaliste et défenseur des Droits de l’Homme proche du cardinal Innitzer, informe le monde sur la grande famine qui sévit en URSS.
Arrestation de Lès Kourbas | Dramaturge de premier plan et grand rénovateur du théâtre ukrainien, Lès Kourbas sera bientôt déporté aux îles Solovki et fusillé en 1937.
199.000 arrestations politiques entre 1932 et 1933 | Contre 119.000 en 1929-1931 et 71.000 en 1934-1936 en Ukraine soviétique.
Aveu capital de Staline et du Parti
« Le nationalisme ukrainien, principal danger » | Lors du Plénum du Comité central « ukrainien » du 22 novembre 1933, Postychev* annonce que la bolchevisation des kolkhozes est achevée, mais que « le principal danger demeure le nationalisme ukrainien en lien avec les interventionnistes impérialistes« .
Aveu capital formulé par Staline en personne, reconnaissant ainsi lui-même le MOBILE POLITIQUE à l’origine du génocide. Cette première formulation, jusque-là inédite, sera réitérée au Plénum de 1934 et déterminera la politique du Parti en Ukraine soviétique jusqu’à sa chute. Aucune autre république d’Urss ne sera visée aussi explicitement. Plus encore, la propagande stalinienne s’attachera désormais à faire passer le nationalisme ukrainien pour l’ennemi même du peuple ukrainien, en lieu et place du « chauvinisme grand-russien » et du communisme assassin.
Premiers articles de Harry Lang dans un quotidien yiddish de New York, le Jewish Forward. Témoin de la famine deux mois plus tôt, trente de ses articles seront publiés et traduits dans d’autres journaux.23Du 25 nov. 1933 au 17 février 1934. Voir l’article de Roman Serbyn à ce sujet, avec quatre articles de H. Lang reproduits. Ils lui vaudront son exclusion du Socialist party et quelques soucis avec la rédaction… Quatre mois plus tôt, Raphael Abramovich publiait déjà dans le même quotidien un article dénonçant la famine: Famine in Russia!
16-17 décembre 1933
L’Eglise autrichienne tente d’alerter le monde | A Vienne, le cardinal Innitzer organise une conférence internationale et interconfessionnelle sur la Famine en Ukraine. Les seules photos de l’Holodomor (prises par Alexander Wienerberger au péril de sa vie) seront publiées en 1934 grâce au cardinal, l’ambassade d’Autriche et le parti conservateur de Dollfuss, dans un contexte de guerre civile.
1934
Censure statistique | Tous les registres d’état-civil concernant les décès survenus entre 1932 et 1933 sont consignés dans des archives spéciales, la plus grande partie sera détruite.
Le nationalisme ukrainien « toujours fautif » | En janvier, Postychev* rapporte au XVIIe Congrès du Parti bolchevique: L’an dernier, nous avons étouffé une contre-révolution nationaliste. Le congrès élit à cette occasion les 71 membres du nouveau Comité central du Parti, dont 42 russes et seulement 5 ukrainiens (dont 3 directement impliqués dans l’Holodomor). Parmi les autres nationalités : 5 géorgiens dont Staline lui-même et 11 juifs, dont 5 ouvertement anti-ukrainiens et/ou impliqués dans l’Holodomor.24Entre autres Kaganovitch*, Khatayevitch*, Litvinov*, Yagoda*, Yona Yakir*, Yakov Yakovliev alias Epstein*. La RSS d’Ukraine est représentée par une dizaine de membres, dont six génocidaires, notamment Kaganovitch*.
Premier roman sur l’Holodomor | A Lviv alors polonaise, paraît « Marie« , un roman d’Oulas Samtchouk dédié « aux mères d’Ukraine mortes de faim en 1932-1933« . L’histoire d’une simple paysanne illettrée sous la forme d’un récit poétique.
Article d’Ewald Ammende dans le NY Times | Le 1er juillet 1934, un premier bilan chiffré de la grande famine organisée par Staline annonce 7,5 millions de victimes dans toute l’URSS.
« La fable de la famine en Ukraine » | En France, le livre d’Edouard Herriot « Orient » nie la Famine et la violence du régime stalinien.
Purge du Parti | Après la purge de 1933-1934, Staline devient le seul membre du Politburo de 1917 encore au pouvoir. Meurtre de Kirov et intensification des répressions. Début de l’ère Yejov (dite « Grande Terreur »). Suivront les procès de Moscou, les purges au sein de l’Armée et des organes de répression…
Mort mystérieuse de l’ancien président de la Rada centrale | Mékhaïlo Hrouchevskéï, éminent historien et premier « président de l’Ukraine » en 1917, meurt subitement de septicémie vers le 24 novembre 1934, après avoir subiune simple opération cutanée. Il avait été arrêté en 1931 et attaqué pour « nationalisme », avec interdiction de séjour en Ukraine. Ses publication furent censurées et ses étudiants arrêtés.
1935
Procès des Borotbistes | 15 personnalités ukrainiennes accusées de « contre-révolution » puis déportées en Sibérie. Ainsi s’achève l’histoire du borotbisme, l’utopie nationale-bolchevique ukrainienne.
Assassinat de Gareth Jones | Alors qu’il se trouve en Mandchourie, le reporter britannique est assassiné le 12 août 1935 dans des circonstances peu claires.
La presse française corrompue | En 1935, Moscou « offre » plus de 113.000 francs mensuels pour Le Temps, L’Œuvre, L’Ère nouvelle… etc, dont 40.000 pour Le Temps.25V. Sabine Dullin, Des Hommes d’influences. Les ambassadeurs de Staline en Europe, 1930-1939, Payot, Paris, 2001, 383 p.
1936
« Grande Terreur » | Yejov remplace Yagoda, qui est arrêté. Le nouveau narkom de l’Intérieur va au cours de l’années suivante « épurer » 2.500 membres des organes de répression.
1937-1938
Les « koulaks » toujours persécutés | En juillet 1937, Yejov signe l’ordre opérationnel (secret) n° 00447 du NKVD, suite auquel plus de 800.000 anciens « koulaks » vont être fusillés ou déportés.
Grandes purges staliniennes | Exécutions et déportations massives également appelée Opération Koulak dans les documents du NKVD, les anciens « koulaks » constituant la majorité des cas. L’opération sera prolongée à plusieurs reprises et ses « quotas » sans cesse augmentés.26Le 31 janvier 1938, le Politburo ordonne le « traitement » de 57.200 « ennemis du peuple » dans 22 régions, dont 48.000 à fusiller (première catégorie). Le 1er février, le Politburo approuve un « quota » de 12.000 exécutions supplémentaires dans les camps d’Extrême-Orient. Le 17 février, un « quota » supplémentaire de 30.000 personnes en Ukraine, toutes catégories confondues. Le 31 juillet, 15.000 « traitements de première catégorie » et 5.000 de « seconde catégorie » (déportation) en Extrême-Orient. Le 29 août, 3.000 dans la région de Tchita.
1944-1945
Déportation générale des Tatars | Le 18 mai 1944, 238.500 Tatars sont déportés de Crimée en Ouzbékistan, Kazakhstan et Tadjikistan, avec un taux de mortalité de 46 % dû à la famine et les conditions du « voyage », provoquant 110.000 décès en à peine 18 mois.
L’autonomie administrative de la presqu’île est supprimée. Dans les années qui suivent, 80 % des noms de localités tatars sont changés en noms russes. Après le Surgûn (le génocide criméo-tatar) la péninsule devient à 90 % russe. La Crimée a perdu la moitié de sa population après la déportation des Tatars, mais aussi des Grecs, Bulgares, Allemands et Arméniens. La déportation des Tatars est officiellement justifiée pour « trahison d’État ».
Shoah en Ukraine | Environ 1,5 millions de juifs massacrées durant la guerre, en Ukraine soviétique et dans les territoires ukrainiens annexés plus tard à l’URSS.
L’autre Holodomor (1946-1947)
1946-1947
Famine en Ukraine et Moldavie | Malgré la grande sécheresse qui sévit en Ukraine méridionale, Moscou décide d’envoyer la production ukrainienne et moldave en Europe centrale, essentiellement pour les besoins de l’Armée rouge occupant les pays du futur « bloc de l’Est ». Les réquisitions entraîneront une grande famine en Ukraine et des pertes humaines aggravées par des objectifs de récolte impossibles à tenir.
Résolution secrète du Comité central du PC « ukrainien » | Le 22 juin 1946, le Comité central et le Conseil des ministres de la RSS d’Ukraine permettent aux comités locaux du Part d’augmenter de 50% les livraisons de grain obligatoires, malgré la disette obligeant les paysans à fuir en masse vers les régions occidentales de la république. Moscou accuse les responsables ukrainiens de « sabotage » et de soumission à « une idéologie étrangère ». S’en suivent répressions et moyens de coercition inhumains.
En 1946, 350.000 t. de céréales sont exportées d’URSS vers la Roumanie, 600.000 t. vers la Tchéco-Slovaquie en 1947. Durant ces deux années, 900.000 t. de pain sont exportés vers la Pologne. Au même moment, Léningrad et Moscou sont également approvisionnées par l’Ukraine, alors que celle-ci meurt de faim. Au moins un million d’habitants ne vont pas survivre à la famine artificielle. Au moins 130 cas de cannibalisme seront recensés au premier semestre 1947.
Choumskéï éliminé par Staline | En septembre 1946, le national-communiste ukrainien Alexandre Choumskéï, récemment libéré du Goulag, est empoisonné à Saratov par Soudoplatov* et Maïranovsky*, sur ordre de Staline*, Khoutchev* et Kaganovitch*. Le poison mis au point par Maïranovsky permettra de conclure à un décès « par insuffisance cardiaque ».27Grigori Moïssevitch Maïranovski, chef du laboratoire des poisons sous Staline. Condamné en 1951 pour « possession illégale de poisons à domicile », condamné à 10 ans de prison avant de devenir… professeur de chimie. Probablement empoisonné sur ordre de Khroutchev en 1964.
Kaganovitch de nouveau envoyé en Ukraine | Le 3 mars 1947, Lazare Kaganovitch est nommé à la tête du Parti en Ukraine pour y renforcer la répression. En octobre, Kaganovitch et Kroutchev informent Staline que l’Ukraine a déjà atteint et même dépassé les objectifs du plan.
Combat pour la mémoire
1947-1949
J’ai choisi la liberté | Affaire Kravtchenko vs Lettres Françaises. Une campagne communiste s’abat sur Victor Kravtchenko, ingénieur ukrainien, ex-bolchevique passé à l’Ouest en 1944, et surtout auteur de J’ai choisi la liberté, un best-seller dénonçant les horreurs du régime stalinien, notamment le Goulag, la famine planifiée en Ukraine et la collectivisation forcée (dans laquelle il a lui-même pris part en confisquant du grain au paysans). Diffamé, il décide de porter plainte contre la revue communiste Les Lettres Française et l’éditorialiste de L’Humanité André Wurmser. Les diffamateurs sont condamnés.
1953
Lemkin définit l’Holodomor comme génocide | Le père du mot et du concept de génocide, Raffael Lemkin, publie un article dans lequel il qualifie l’Holodomor de génocide. Le juriste parle même d’un « exemple classique » de génocide soviétique (v. Soviet genocide in Ukraine).
1963
Le Prince Jaune de Vasyl Barka | Sans doute le roman le plus connu au sujet de l’Holodomor. Il a été écrit par un survivant du génocide réfugié aux USA, qui pour retrouver les sensations de la famine, tout en la décrivant, s’est volontairement affamé. Le roman, traduit en français, est paru chez Gallimard en 1981. | Sverstiouk, Tchornovil, Roudenko… Dans les années 1960, les militants ukrainiens de la nouvelle génération prennent tous les risques pour parler de l’Holodomor en Urss. Évoquer ne serait-ce que la famine de 1932-1933, est un acte « antisoviétique » passible de lourdes peines.
Années 1980
1983, premier monument | A Edmonton (Alberta) près de l’Hotel de ville, est inauguré le premier monument à la mémoire des victimes de l’Holodomor. Il symbolise à travers un disque brisé, le cycle de la vie artificiellement interrompu. Il a été dessiné par une artiste dont les propres parents avaient fui la Famine.
1984, première commission d’enquête | Le Congrès US, sous l’impulsion du président Ronald Reagan, crée une commission spéciale afin d’enquêter sur l’Holodomor. L’historien James Mace est en charge du rapport, concluant à l’acte de génocide commis par Staline et son entourage.
1986, « Les Moissons du Désespoir« | Ouvrage capital de l’historien anglo-américain Robert Conquest, qui fera connaître l’Holodomor dans le monde anglo-saxon.
1988, nouvelle commission d’enquête | Le « Congrès mondial des Ukrainiens libres » (diaspora occidentale) réunit une commission internationale composée de sept éminents juristes concluant également à l’acte de génocide. Leur Rapport final est publié en 1990.
Premiers monuments en Ukraine | Plusieurs croix et stèles ont été inaugurées juste avant la chute du régime communiste et la fin de l’Urss, notamment dans les régions de Kiev et de Kharkiv en 1988-1989.
« 1933, la Famine, livre-mémorial« | Incroyable travail de Volodymyr et Lydia Manyak, qui à partir de 1987 recueillent pour la première fois en Ukraine le témoignage d’un millier de survivants. Le couple ne survivra pas à un accident de la route survenu peu de temps après la publication en 1991.
Années 1990
1993 – Premières solennités nationales | Le 60e anniversaire de l’Holodomor est officiellement commémoré en Ukraine, sous la présidence de Léonide Kravtchouk, reconnaissant lui-même l’Holodomor comme génocide.
Premières reconnaissances internationales
1993, l’Estonie reconnaît le génocide | C’est le premier pays du monde à reconnaître l’Holodomor comme génocide, suivie de l’Australie la même année (v. la carte plus bas).
Le livre noir du communisme | En 1997, l’ouvrage capital dirigé par Stéphane COURTOIS déchaîne les derniers négationnistes de l’Holodomor. Pour la première fois en France, il devenait possible de comparer les crimes nazis et communistes (et la dernière avec un tel scandale).
1998, Journée de la Mémoire | Le président Koutchma fixe au quatrième samedi de chaque mois de novembre la Journée commémorative pour les Victimes de l’Holodomor. Une bougie dans les foyers est alors allumée au crépuscule, un rituel rassemblant tous les Ukrainiens quelle que soit leur origine.
Années 2000
2002 : reconnaissance ukrainienne du génocide en Ukraine | Le président Koutchma et le Parlement ukrainien reconnaissent le génocide. Les députés de la Rada condamnent « la politique de génocide menée par les dirigeants du régime totalitaire soviétique contre les citoyens ukrainiens, contre l’esprit national et le fonds génétique du peuple ukrainien. »
2003 : les Nations-Unies reconnaissent l’Holodomor, mais pas le génocide ukrainien.
Reconnaissance du génocide aux USA et Canada | Sous la présidence de Léonide Koutchma, un premier pas historique est franchi. Avec la Révolution orange et l’élection de Victor Youchtchenko, de nombreuse nations le franchissent également : Lituanie, Lettonie, Mexique, Brésil, etc. La Pologne se montre particulièrement solidaire des Ukrainiens. D’autres Etats reconnaissent l’Holodomor, mais pas en tant que génocide ukrainien (Espagne, Portugal, Chili, Argentine, etc.) Israël choisit de ne pas froisser la thèse russe et reconnaît une « tragédie commune », tandis que l’Allemagne, l’Italie et la France boudent toute reconnaissance.
2005 : Révolution orange (dite « premier Maïdane ») | Grands progrès dans le domaine de la mémoire historique ukrainienne avec l’arrivée de Victor Youchtchenko au pouvoir. Sauf en France, où le gouvernement refuse même de débattre sur
2006 : première loi reconnaissant le génocide ukrainien | La Rada suprême, le parlement ukrainien, inscrit dans la loi plusieurs dispositions essentielles, rendant notamment la négation de l’Holodomor « illégale ».28Les députés prorusses (Parti des Régions fondé par V. Yanoukovitch et PC “ukrainien”) sabotent le vote en se portant “absents” ou en refusant de voter. Une courte majorité de 233 voix sur 450 est tout de même trouvée. En 2007, les mêmes chercheront à amender la Loi.
2008 : premier mémorial | Pour le 75e anniversaire du génocide, un mémorial est inauguré à Kiev, sur les rives du Dnipr, non loin de la Laure des Grottes.
Années 2010
2010, premier jugement rendu | La Cour d’Appel de Kiev reconnaît coupables de génocide Staline*, Molotov*, Kaganovitch*, Postychev*, Kosior*, Tchoubar et Khatayevitch*, pour avoir organisé le génocide d’une partie du groupe national ukrainien entre 1932 et 1933 sur le territoire de la RSS d’Ukraine. Mais en avril 2010, devant le Parlement européen, le nouveau président « ukrainien » Victor Yanoukovitch défend la thèse moscovite de la « tragédie commune », niant ainsi l’Holodomor en tant que génocide ou crime contre le peuple ukrainien en tant que tel.
Pression russes sur les Etats ex-soviétiques | En décembre 2010, les fuites de courriers diplomatiques américains (Wikileaks) témoignent des pressions du président russe Medvedev sur l’Azerbaïdjan en cas de reconnaissance de l’Holodomor. Le prince Andrew ajoute que ce n’est pas un cas isolé.
Marche arrière du gouvernement Yanoukovitch | En 2012, le ministre de l’Enseignement D. Tabatchnyk exclut le terme « génocide » des manuels scolaires et du programme général. A Lviv, on publie avec le soutien de la municipalité, un manuel d’histoire « anti-tabatchnik ».
2013-2014, Révolution de la Dignité | Fin novembre 2014, les commémorations de l’Holodomor coïncident avec les débuts de la Révolution de la dignité (le Maïdane). Avec l’annexion de la Crimée et l’invasion du Donbass, le président Petro Porochenko
Extension du Musée de l’Holodomor à Kiev | Depuis 2017, un projet d’extension du mémorial est en cours de construction, la fin des travaux étant annoncé pour 2023. Le nom du mémorial a lui-même évolué et s’appelle à présent : Musée national de l’Holodomor-génocide. En 2018, l’Institut pour l’étude de l’Holodomor est créé en tant que filiale du Musée.
« L’Ombre de Staline » | Après les « Moissons amères » sorti en 2016, un deuxième film sur fond d’Holodomor s’attaque au sujet en 2019, cette fois avec un certain succès. Gareth Jones en est le héros.
Années 2020
Reconnaissance du génocide par le parlement tchèque | En avril 2022, la chambre basse du Parlement tchèque a reconnu l’Holodomor en tant que génocide, en rappelant l’importance de cette reconnaissance « dans le contexte de l’agression russe actuelle contre l’Ukraine ».
Reconnaissance de la déportation des Tatars de Crimée comme génocide | En mai 2022, le parlement canadien a reconnu la déportation des Tatars de Crimée (mai 1944) en tant que génocide. Un jour de mémoire lui est désormais dédié tous les 18 mai, le Sürgünlik.
La moskalerie remet ça | 90 ans après la loi stalinienne sur les cinq épis (v. 7 août 1932) les moskals s’emparent à nouveau du grain ukrainien et détruisent littéralement la population ukrainienne, son industrie, ses moyens de survie.
A Marioupol, destruction barbare du monument rappelant l’Holodomor | Le 19 octobre 2022, le modeste monument de granite érigé en 2004 a été démonté, officiellement « pour contribuer à la reconstruction de la ville ». Mais en septembre les manuels scolaires ukrainiens ont été brûlés pour être remplacés par des manuels moscovites et les livres traitant de l’Holodomor sont exclus des bibliothèques, car classés « extrémistes ». Près de cent bibliothèque ont été détruites dans toute l’Ukraine depuis l’invasion de février.
Reconnaissances les plus récentes
Appel de le Rada suprême aux parlements du monde entier | Le 17 novembre 2022, le Parlement ukrainien a voté une résolution appelant les autres parlements du monde à reconnaître l’Holodomor en tant que génocide du peuple ukrainien. En décembre 2021, la Rada suprême avait déjà appelé le Bundestag à faire de même, vu les réticences exprimées à ce sujet par le gouvernement allemand.
Premières réponses à l’appel de la Rada | Le 24 novembre 2022, les Parlements de Moldavie et d’Irlande ont reconnu l’Holodomor de 1932-1933 comme génocide. Les communistes moldaves ont quitté l’hémicycle en signe de protestation. | Le 30 nov. 2022, reconnaissance du génocide par le Bundestag en Allemagne. L’AfD et Die Linke se sont abstenus.29Die Linke (La Gauche) est issue de l’ancien parti officiel de la RDA. L’AfD est un parti populiste « de droite » financé par le Kremlin, tout comme l’est le FN (RN) en France. | Le 18 décembre, le Parlement autrichien a reconnu à l’unanimité l’Holodomor « crime horrible du pouvoir soviétique ».
Le Parlement européen reconnaît le génocide | Le 15 décembre 2022, par 507 voix pour, 12 contre et 17 abstentions, les députés de l’UE ont reconnu l’Holodomor comme génocide contre le peuple ukrainien. 90 ans après, l’Europe reconnaît enfin la famine de 1932-1933 comme génocide contre le peuple ukrainien. Une seule voix française s’y est opposée (Mariani).
Les Parlements bulgare et belge reconnaissent le génocide | Le 1er février 2023, à l’exception du parti « nationaliste » et promoscovite Renaissance, tous les députés bulgares ont voté la reconnaissance, suivis le 10 février par les députés belges, à l’exception du parti stalinien PTB.
Le Parlement islandais reconnaît le génocide | Le 23 mars 2023, à l’unanimité, le parlement islandais a reconnu l’Holodomor comme génocide contre le peuple ukrainien.
Le Parlement français reconnaît le génocide | Le 28 mars 2023, par 168 voix contre 2, l’Assembée nationale a reconnu officiellement le caractère génocidaire de la famine forcée et planifiée par les autorités soviétiques à l’encontre de la population ukrainienne en 1932 et 1933. Le texte avait été co-signé par des membres de sept des dix groupes politiques de l’Assemblée, à l’exception des groupes La France insoumise (LFI), communiste et Rassemblement national (RN). Votes contre : Jean-Paul Lecoq et Jean-Marc Tellier, tous deux du PCF et membres de la Gauche démocrate et républicaine (NUPES).
ANNEXE
Principaux responsables
de la Famine et de la guerre
anti-paysanne en Ukraine
- Mikhaïl Frounzé*
Bolchevique moldave originaire de Kirghizie, probablement éliminé par Staline en 1925. - Yefim Yevdokimov*
Bolchevique russe originaire du Kazakhstan, exécuté en 1938, réhabilité en 1956. - Lev Bronstein alias Trotsky*
Menchevik puis bolchevique juif originaire d’Ukraine, éliminé par Staline en 1940. - Panas Lioubtchenko
Bolchevique ukrainien, probablement éliminé par Staline pour « nationalisme » en 1937, réhabilité en 1965. - Andriy Khvélia-Olinter
Ancien national-bolchevique ukrainien, exécuté pour « nationalisme » en 1938, réhabilité en 1956. - Vladimir Oulianov alias Lénine*
Russe d’ascendance tchouvache, théoricien du marxisme, fondateur du bolchevisme, envoyé par l’état-major allemand et surtout autrichien à Saint-Pétersbourg (alors Pétrograd) en avril 1917, dictateur et principal instigateur de la Terreur rouge, fondateur de la Troisième internationale, créateur de l’URSS en 1922. Impotent puis évincé du pouvoir de décembre 1922 à sa mort, en janvier 1924. - Youri Piatakov*
Bolchevique russe d’Ukraine, issu d’une famille de propriétaires terriens, exécuté pour « trotskisme » en 1937, réhabilité en 1988. - Christian Rakovsky*
Ancien trotskiste, bolchevique roumain d’origine bulgare, exécuté en 1941. - Yevseï-Hershon Radomilski-Apfelbaum, alias Guéorguiy Zinoviev*
Bolchevique juif originaire d’Ukraine, exécuté en 1936 pour « trotskisme », réhabilité en 1988. - Lev Rosenfeld alias Kamenev*
Bolchevique juif né en Géorgie, exécuté pour « trotskisme » en 1936, réhabilité en 1988. - Lazare Kaganovitch*
Bolchevique juif originaire d’Ukraine, persécuteur des nationalistes ukrainiens, opposé à Khroutchev en 1957, exclu du Parti en 1961. - Pavel Postychev*
Alias Yermak, bolchevique russe, exécuté pour « trotskisme » en 1939, réhabilité en 1955. - Stanislaw Kosior*
Bolchevique polonais russifié, exécuté pour « nationalisme polonais » en 1939, réhabilité en 1956. - Pavel Soudoplatov*
Ukrainien russifié, impliqué dans l’assassinat de Konovalets, Trotsky, Choumskéï, Choukhevytch, etc, dégradé, exclu du parti, puis arrêté de 1953 à 1968 à cause de ses liens avec Beria, réadmis au Parti en 1992, réhabilité à titre posthume par le président Yeltsine en 1998 ! - Nikita Khrouchtchev*
Bolchevique russe, russificateur de l’Ukraine, à la tête de l’Ukraine soviétique en 1947 puis de l’Urss à partir de 1953-1957, évincé du pouvoir en 1964. - Viatcheslav Skriabine alias Molotov*
Bolchevique russe, évincé du pouvoir en 1957, exclu du Parti en 1962, réadmis en 1984. - Stanislaw Redens*
Bolchevique et tchékiste polonais russifié, exécuté en 1938 pour « nationalisme polonais », réhabilité en 1961. - Vsevolod Balitsky*
Ancien menchévique puis bolchevique ukrainien russifié, exécuté en 1937 pour « activité contre-révolutionnaire », jamais réhabilité. - Hréhoriy Petrovskéï
Bolchevique ukrainien favorable à la langue ukrainienne, mais opposé au national-bolchevisme ukrainien. - Henokh ou Henrikh Yagoda*
Bolchevique juif originaire de Moscovie, exécuté pour « trotskisme » en 1938, jamais réhabilité. - Maxime Litvinov*
De son vrai nom Meir Henoch Mojszewicz Wallach-Finkelstein, bolchevique de la vieille garde, juif originaire de Bélarus, aux Affaires étrangères jusqu’en 1939, jamais réprimé ni inquiété par Staline. - Mendel Khatayevytch*
Bolchevique juif de Belarus, exécuté pour « trotskisme » en 1937, réhabilité en 1956. - Eduards Ogrietis alias Karl Karlson*
Bolchevique et tchékiste letton, exécuté en 1938, réhabilité. - Israël Leplevski*
Bolchevique et tchékiste, juif originaire de Bélarus, exécuté en 1938, jamais réhabilité. - Avel Enoukidzé*
Bolchevique géorgien, exécuté pour « trotskisme » en 1937, réhabilité en 1959. - Naoum Kaganovitch*
Juif ukrainien, russificateur, exécuté pour « nationalisme ukrainien » en 1937, réhabilité en 1957. - Vassili Stroganov*
Bolchevique russe, numéro 2 du Parti « ukrainien », exécuté en 1938, réhabilité en 1956. - Moïse Kalmanovitch*
Bolchevique juif originaire de Russie, chef du commissariat à l’agriculture, puis président de la Banque d’Urss et vice-narkom aux Finances en 1934, exécuté en 1937, réhabilité en 1956.
L’Holodomor en chiffres
8,7 millions de personnes sont mortes des suites de l’Holodomor dans toute l’Urss, dont 3,9 millions dans la seule RSS d’Ukraine selon les estimations les plus basses.
28.000 morts par jour
en juin 1933
En l’espace de 6 mois, l’Holodomor a tué 2.9 millions de personnes en Ukraine. Le mois de juin 1933 a été le plus meurtrier, faisant 840.000 victimes, soit 28.000 par jour.
Deux Ukrainiens sur dix sont morts au cours du génocide dans les zones rurales, contre 5% dans les zones urbaines. Néanmoins, entre mars et août 1933, 77.5% des pertes directes eurent tout de même lieu en zone urbaine et 90% en zone rurale. En l’espace de quelques mois, entre 1932 et 1933 en Ukraine, l’Holodomor a tué 1 personne sur 10 en moyenne.
1 mort toutes les 3 secondes : tel est le rythme auquel mouraient les Ukrainiens des zones rurales durant le printemps et l’été 1933. Soit 17 morts par minute. 1000 par jour. Entre janvier et juin 1933, trois millions de personnes sont mortes en Ukraine des suites de l’Holodomor.
15.3% de la population
3.5 millions de victimes directes, selon les estimations les plus basses réalisées ces dernières années, incluant famine et répressions politiques. Soit 15.3% de la population totale de la RSS d’Ukraine en 1933. Certains chercheurs avancent toujours le chiffre de 7 millions.
1.1 millions d’enfants non-nés à cause de l’Holodomor. Ce qui porte à 4.6 millions de victimes les pertes totales de l’Holodomor en Ukraine. Les enfants de moins de 10 ans constituent un quart des victimes.
Plus d’1 million de victimes dans la seule région de Kiev durant la famine (23%). Idem pour celle de Kharkiv (24%) alors capitale de la RSS d’Ukraine. Le district de Tetiïv près de Kiev est le plus touché, avec 540 morts pour 1000 habitants. La région la moins touchée est celle de Donetsk (9%) et celle de Tchernihiv (5%). Dans les villes, l’Holodomor a fait 300.000 victimes.
1 kolkhoze sur 4
inscrits au « tableau noir »
Un quart des kolkhozes et districts ukrainiens placés sous régime spécial et isolés de toute aide ou commerce extérieurs (listes d’exclusion appelés « tableaux noirs »). Mêmes mesures au Kouban, dont la population était en majorité ukrainienne.
En Russie, 6% de la population rurale durement touchée durant l’Holodomor, contre 41% en Ukraine. Les pics de mortalité extrême ont touché 34% du territoire ukrainien contre à peine 1% du territoire russe.
4.000 cas de révoltes et de rebellions contre la collectivisation recensés en 1930, englobant 1.2 millions d’insurgés et de protestataires.
23.000 kolkhozes en Ukraine, selon les statistiques de 1932. Les régions centrales du pays ont été les plus réfractaires. Avant que la grande famine n’arrive, certains de ces kolkhozes se sont même autodissous, ce qui allait avoir pour effet d’aggraver les mesures punitives dans ces régions. Malgré des ressources nutritives beaucoup plus variées que dans les steppes du sud, ces régions ont connu la plus forte mortalité.
20 fois plus de grain exporté
en 1932 comparé à 1929
Si l’exportation n’était que de 260.000 t. au tout début de la collectivisation, elle atteignait 5.200.000 t. au début de l’Holodomor, soit un train d’une longueur de 1000 km, couvrant toute la largeur de l’Ukraine. Toutes les victimes mises bout à bout auraient constitué un convoi 7 fois plus long.
En 2021, 85% des Ukrainiens voyaient l’Holodomor comme un génocide (contre 77% en 2017). Parmi eux, les plus nombreux étaient ukrainophones.
19 États du monde reconnaissent l’Holodomor en tant que génocide. Cinq autres le reconnaissent comme un crime stalinien.