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Gargantua en ukrainien


Hommage au traducteur
Cette traduction ukrainienne d’Anatole PEREPADYA relève du tour de force. Chevalier des Arts & des Lettres, romaniste maîtrisant entre autres le français, l’italien, l’espagnol, le portugais et le catalan, l’humble traducteur fut récompensé par l’ambassade de France à Kiev, en recevant par deux fois le prix Skovoroda.

Un tragique accident de la route (avec délit de fuite et mystérieuse obstruction d’enquête) mit fin à sa carrière en 2008, alors qu’il roulait à vélo dans le centre de Kiev. Il était parvenu, à 71 ans, au sommet de son art, traduisant d’une plume alerte et joyeuse les pages les plus coriaces de la littérature françoise.

Traducteur de Pascal, Montaigne, Proust, Claudel, Camus, Balzac, Machiavel, Calvino, Moravia & bien d’autres classiques, il aura contribué, avec quelques autres fortes têtes, à faire entrer la culture occidentale dans les mentalités encore largement soviétiques à l’aube du XXIe siècle.

L’homme considérait son labeur comme la sainte mission de sa génération, devant non seulement abattre l’empire totalitaire moscovite, mais désoviétiser et dérussifier pour ainsi dire, l’art de traduire. Effort particulièrement visible dans son Rabelais, intégralement traduit au bout de vint ans.


À rebours des traductions russes bien trop soucieuses de leur statut de « langue modèle » (comprenez supérieure, impériale) Perepadya n’hésitait pas à sortir du littérairement correct pour faire du hors norme, tout comme Rabelais en son temps. On peut imaginer le travail harassant du correcteur, Rostéslav Dotsenko, devant une telle entreprise. Mais après vingt ans de Sibérie, qu’eût-il encore craint ?

D’ailleurs, l’audace paie toujours. Mission amplement remplie pour l’un comme pour l’autre. On a rarement vu un tel degré de quintessence dans une traduction de Gargantua. Alors que la plupart des Ukrainiens n’avaient pu approcher Rabelais que par l’intermédiaire de l’école russe, le père Padya leurs restituait un Rabelais plus vray, nourri de perepadyaïsmes truculents, bien du terroir ; et pour une fois, oserais-je ajouter, un traducteur ukrainien n’était pas allé contrefaire un classique de la littérature mondiale en passant par la langue du « grand frère ».

Victor Hugo disait : Rabelais, c’est la Gaule. Eh bien, Perepadya, c’est la Rous. Son nom même, d’antique racine slave et ruthène, peut être entendu comme un changement soudain, un coup du destin, une aubaine. Pour ma part, en ouvrant ce livre, j’ai tout de suite compris que c’était un don… Un don du ciel.



Quelques mots sur cette édition bilingue
Pour le confort de lecture et une meilleure compréhension, les paragraphes ont été aérés, certains mots rafraîchis, le tout agrémenté d’un appareil de plusieurs centaines de notes concises et faciles d’accès, résumant plusieurs sources d’autorité (v. la bibliographie tout à la fin). Tout cela devrait conférer à cette lecture exigeante la douceur de la plume. Si ce n’est assez, il suffira de glaner les ❦ marquant les « passages étroits ». Avallez, ce sont herbes!

Les sources
La version proposée infra suit la dernière version officielle – réputée définitive – que François Juste, éditeur attitré du bon docteur, publia à Lyon en 1542. Les érudits l’appellent « E » et il n’est pas question d’y toucher, même d’un Ἰῶτα. Aucune traduction (ou « translation » comme on dit de nos jours) vers la nostre lingue ne saurait fleurer bon le Rabelais de tradition.

La version originale sinon rien
La langue de Gargantua, au vocabulaire deux fois plus vaste que celui de Victor Hugo dans la Légende des siècles, dépasse de loin le « moyen français » du XVIe siècle. Refusant toute autorité linguistique centrale, dans Gargantua c’est le Poitevin qui parle, l’humaniste voyageur, le restituteur des bonnes lettres, l’encyclopédiste avant l’heure ; Rabelais ouvre et ferme le sens quand bon lui semble, cela fait partie du jeu. Les Gargantua en français standard ou hybride trichent en quelque sorte, et nous font oublier l’intention originelle.

Inutilité des versions non-annotées
Malgré un succès tout à fait gargantuesque à sa sortie, 99% des Français ne pouvaient déjà lire et encore moins comprendre Gargantua en raison de leur illettrisme. Cinq siècles plus tard, après liquidation des humanités, se retrouvant sans culture classique, le nombre de Français en capacité de lire Rabelais avoisinerait à peine 0,5% de la population adulte.

Une arme politique, aujourd’hui comme hier L’infime minorité, essentiellement masculine, urbaine et lettrée à laquelle s’adresse Gargantua dans les années 1530-1540, jargonnait dans un français si vilain et artificieux qu’il lui fallait une bonne ordonnance. Le consciencieux docteur y est allé au bistouri.


Et ce n’est pas qu’une image : Rabelais a fait de « son » français une véritable arme politique, tout comme Taras Chevtchenko le fera de son ukrainien trois siècles plus tard.1Voir à ce sujet l’article de Chevelov traduit en français. S’ils ne sont pas les seuls en Europe, ils sont de loin les plus radicaux et les plus efficaces dans cette bataille. Autant Gargantua est un manifeste pour l’humanisme français face à l’impérialisme habsbourgeois de Charles Quint, autant le Kobzar est un manifeste de l’humanisme ukrainien contre l’impérialisme pétersbourgeois.

Ad summam, si de nos jours le moyen français n’est pas pour le Français moyen, celui de Gargantua l’est d’autant moins. Hors gabarit, comme ses personnages, à lui seul code à déchiffrer, quasi langue sacrée pour initiés, ce français n’est « moyen » que sur une frise chronologique, c’est-à-dire à mi-chemin des quelque huit siècles séparant le Roman de Renart en langue d’oïl et un quelconque roman de science-fiction en langue d’AI.

Pour bousculer l’ordre établi, maître François avait forgé un instrument inédit, un pastiche de français moyen fait de patoiz & d’accents régionaux. Quoi de plus logique, d’ailleurs, dans une France linguistiquement bigarrée. Mais pour faire bonne mesure, il y a fourré tout un tas de formulations savantes & étymologisantes, le tout par dérision et surtout amour de sa langue.

Version ukrainienne
Même amour et même jouissance dans cette version perepadéenne, aussi goulue que Rabelais l’aurait voulue. Même combat surtout : Perepadya disait lui-même que les traductions en français moderne étaient décevantes et « censuraient » Rabelais.

Mais quelle version originale a suivi notre traducteur ? Sans doute la version E, avec quelques lacunes – elles sont marquées d’une ✿ sur cette page.

Or sus, mes bons amis, treves de soif ! L’œuvre est là et je l’ai mise en ligne sans autre souci que de bien faire. Votre odyssée peut donc commencer, impatients rablonautes. Alors, comme aimait à l’écrire Alcofribas en haut de ses frontispices :

ΑΓΑΘΗ ΤΥΧΗ »2À la bonne fortune » (Agathè Tùkhê) ou en ukrainien : « Удачі », Oudatchi !



La vie très-horrificque
du grand gargantua,
père de pantagruel

Jadis composée par M. Alcofribas,
abstracteur de Quinte Essence.

Livre plein de Pantagruelisme3Edition François Juste, 1535. Version ukrainienne d’Anatole Perepadya, 2004.

Престрахолюдне житіє великого Ґарґантюа,
батька Пантаґрюеля

Написана во время оно магістром
Алькофрібасом, збирачем квінтесенці.

Книга ряснопантагрюелецвітна.4Видання Франсуа Жюста, 1535. Перекладено з середньофранцузької мови Анатолієм Перепадею, 2004.


Aux lecteurs

Amis lecteurs, qui ce livre lisez,
Despouillez vous de toute affection
5Passion.;
Et, le lisant, ne vous scandalisez:
Il ne contient mal ne infection.
Vray est qu’icy peu de perfection
Vous apprendrez, si non en cas de rire;
Aultre argument
6Sujet. ne peut mon cueur elire,
Voyant le dueil qui vous mine et consomme :
Mieulx est de ris que de larmes escripre
7Ecrire,
Pour ce que rire est le propre de l’homme
. 8La version de 1535 publiée par François Juste ajoute : « Vivez Joyeux »

Prologe de l’auteur

BEUVEURS tres-illustres, et vous, Verolez9Atteints de la grande vérole, la syphilis (mais sachant rire). tres-precieux (car à vous, non à aultres, sont dediez mes escriptz). Alcibiades, ou10Dans le. dialoge de Platon intitulé Le Bancquet, louant son precepteur Socrates, sans controverse prince des philosophes, entre aultres parolles le dict estre semblable es Silenes. 11Aux boîtes d’apothicaire anciennes, décorées de façon fantaisiste.

Silenes12De Silène, compagnon de Dionysos (Bacchus), souvent représenté comme un vieil homme ivre, laid à l’extérieur, mais sage à l’intérieur. estoient jadis petites boites, telles que voyons de present es13Dans les. bouticques des apothecaires, pinctes au dessus de figures joyeuses et frivoles, comme de harpies, satyres, oysons bridez, lievres cornuz, canes bastées, boucqs volans, cerfz limonniers14Attelés à une voiture et aultres telles pinctures contrefaictes à plaisir pour exciter le monde à rire (quel fut Silene, maistre du bon Bacchus); mais au dedans l’on reservoit les fines drogues comme baulme, ambre gris, amomon, musc, zivette, pierreries et aultres choses precieuses.

Tel disoit estre Socrates, parce que, le voyans au dehors et l’estimans par l’exteriore apparence, n’en eussiez donné un coupeau d’oignon, tant laid il estoit de corps et ridicule en son maintien, le nez pointu, le reguard d’un taureau, le visaige d’un fol, simple en meurs, rustiq en vestimens, pauvre de fortune, infortuné en femmes, inepte à tous offices de la republique, tousjours riant, toujours beuvant d’autant à un chascun, tousjours se guabelant15Se moquant, tousjours dissimulant son divin sçavoir; mais, ouvrans ceste boyte, eussiez au dedans trouvé une celeste16Allusion au guide intérieur « divin » que les néoplatoniciens prêtent à Socrate, certains le considèrent commeun prophète inspiré
par l’Esprit Saint.
et impreciable17Inestimable. drogue: entendement plus que humain, vertus merveilleuse, couraige invincible, sobresse non pareille, contentement certain, asseurance parfaicte, deprisement18Détachement incroyable de tout ce pourquoy les humains tant veiglent, courent, travaillent, navigent et bataillent.

A quel propos, en voustre advis, tend ce prelude et coup d’essay?19Mise en train avant le « vrai » jeu. Par autant que vous, mes bons disciples, et quelques aultres foulz de sejour20Lecteurs distraits ou frivoles, ignorants superficiels, qui ne cherchent pas à comprendre, mais se contentent de la surface des choses. De séjour : oisifs, « en vacances ». Tournure rabelaisienne., lisans les joyeulx tiltres d’aulcuns livres de nostre invention, comme Gargantua, Pantagruel, Fessepinte21Ivrogne (« qui tape le cul des pintes »), La Dignité des Braguettes, Des Poys au lard cum commento22R. vise peut-être P. Lard, autrement dit Pierre Lombard (auteur de traités théologiques pour étudiants)., &c.23Les trois derniers ouvrages sont bien sûr imaginaires., jugez trop facillement ne estre au dedans traicté que mocqueries, folateries et menteries joyeuses, veu que l’ensigne exteriore (c’est le tiltre) sans plus avant enquerir est communement receu à derision et gaudisserie.24Joyeuseté.

Mais par telle legiereté ne convient estimer les oeuvres des humains. Car vous mesmes dictes que l’habit ne faict poinct le moyne25Expression ancienne, tirée du latin : habitus non facit monachum ou encore barba non facit philosophum. , et tel est vestu d’habit monachal, qui au dedans n’est rien moins que moyne, et tel est vestu de cappe Hespanole, qui en son couraige nullement affiert à Hespane. 26La cape espagnole du XVIe s. soulignait la silhouette masculine, renforçant l’impression de puissance et de contrôle de soi. La réputation militaire des « fiers Espagnols » était d’ailleurs proverbiale à cette époque.

C’est pourquoy fault ouvrir le livre et soigneusement peser ce que y est deduict. Lors congnoistrez que la drogue dedans contenue est bien d’aultre valeur que ne promettoit la boite, c’est-à-dire que les matieres icy traictées ne sont tant folastres comme le titre au-dessus pretendoit. Et, posé le cas qu’au sens literal vous trouvez matieres assez joyeuses et bien correspondentes au nom, toutes fois pas demourer là ne fault, comme au chant de Sirenes27Référence au passage de l’Odyssée, où Circé conseille à Ulysse de mettre les voiles…, ains28Mais. à plus hault sens interpreter ce que par adventure cuidiez dict en gayeté de cueur. 29Par divertissement.

Crochetastes vous oncques30Jamais. bouteilles? Caisgne !31Nom d’un chien! Reduisez à memoire la contenence qu’aviez. Mais veistes32Vîtes. vous oncques chien rencontrant quelque os medulare ?33Cette image de l’os à moelle avait été employée par Philippe Béroalde in Explication morale des symboles de Pythagore. C’est, comme dict Platon, lib. II de Rep., la beste du monde plus philosophe.

Si veu l’avez, vous avez peu noter de quelle devotion il le guette, de quel soing il le guarde, de quel ferveur il le tient, de quelle prudence il l’entomme, de quelle affection34Avec quelle passion. il le brise, et de quelle diligence il le sugce. Qui le induict à ce faire?35Qu’est-ce qui le pousse à faire cela? Quel est l’espoir de son estude? Quel bien pretend il? Rien plus qu’un peu de mouelle.

Vray est que ce peu plus est delicieux que le beaucoup de toutes aultres, pour ce que la mouelle est aliment elabouré à perfection de nature, comme dict Galen., III Facu. natural., et XI De usu parti.

A l’exemple d’icelluy vous convient estre saiges, pour fleurer36Flairer., sentir et estimer ces beaulx livres de haulte gresse37Savoureux., legiers au prochaz38A l’approche. et hardiz à la rencontre39A l’attaque.; puis, par curieuse leçon40Lecture soigneuse. et meditation frequente, rompre l’os et sugcer la sustantificque mouelle41C’est-à-dire que la lecture apportera au lecteur à la fois plaisir et profit, nourriture et médecine, festin et thérapie. — c’est-à-dire ce que j’entends par ces symboles Pythagoricques42Réputés initiatiques. — avecques espoir certain d’être faictz escors43Avisés. et preux à ladicte lecture; car en icelle bien aultre goust trouverez et doctrine plus absconce, laquelle vous revelera de très haultz sacremens et mysteres horrificques44Impressionnants., tant en ce que concerne nostre religion que aussi l’estat politicq45Vie de la cité. et vie œconomicque.46Domestique.

Croiez vous en vostre foy qu’oncques Homere, escrivent l’Iliade et Odyssée, pensast es allegories lesquelles de luy ont calfreté47Calfaté, plaqué. Plutarche, Heraclides Ponticq, Eustatie, Phornute, et ce que d’iceulx Politian48Politien, gloire de l’humanisme florentin. a desrobé?

Si le croiez, vous n’approchez ne de pieds ne de mains à mon opinion49Expression d’Erasme : adhérer totalement à une opinion., qui decrete icelles aussi peu avoir esté songées d’Homere que d’Ovide en ses Metamorphoses les sacremens de l’Evangile, lesquelz un Frere Lubin50Surnom générique du moine ivrogne, mais R. vise surtout des moines dominicains abusant de commentaires allégoriques, en premier lieu Thomas Walleys (qui voyait chez Ovide des symboles chrétiens) mais aussi Pierre Lavin et surtout Bersuire, incarnation du savant médiéval., vray croque lardon51Pique-assiette., s’est efforcé demonstrer, si d’adventure il rencontroit gens aussi folz que luy, et (comme dict le proverbe) couvercle digne du chaudron.

Si ne le croiez, quelle cause est pourquoy autant n’en ferez de ces joyeuses et nouvelles chronicques, combien que, les dictans, n’y pensasse en plus que vous, qui par adventure beviez comme moy? Car, à la composition de ce livre seigneurial, je ne perdiz ne emploiay oncques plus, ny aultre temps que celluy qui estoit estably à prendre ma refection corporelle, sçavoir est beuvant et mangeant.

Aussi est ce la juste heure d’escrire ces haultes matieres et sciences profundes, comme bien faire sçavoit Homere, paragon de tous philologes52Erudits., et Ennie53Quintus Ennius, le « père la poésie latine », trait d’union entre le vin et l’inspiraton poétique., pere des poetes latins, ainsi que tesmoigne Horace54Satire 1, 10 : Ennius, notre père à tous, ne se lançait jamais dans les combats poétiques qu’après avoir bu, quoy qu’un malautru ait dict que ses carmes55Poèmes. sentoyent plus le vin que l’huille56Des lampes…. Autant en dict un tirelupin57« Mauvais bougre », ou bien faux-dévôt. Tiré de « turlupin » (hérétique du XIVe s. prônant une pauvreté radicale et des mœurs libres). Jeu de mot possible avec « lupin » (plante des gueux). Un mange-lupin, un gueux. Mais ce néologisme de R. demeure incertain. de mes livres; mais bren pour luy!58Littéralement : que la merde soit sur lui ! L’odeur du vin, ô combien plus est friant, riant, priant, plus celeste et delicieux que d’huille! Et prendray autant à gloire qu’on die de moy que plus en vin aye despendu59Dépensé. que en huyle, que fist Demosthenes, quand de luy on disoit que plus en huyle que en vin despendoit.

A moy n’est que honneur et gloire d’estre dict et reputé bon gaultier60Bon vivant, ou bon garçon. et bon compaignon, et en ce nom suis bien venu en toutes bonnes compaignies de Pantagruelistes. 61Chez les adeptes de Pantagruel, le terme « bon gautier » est valorisé : il ne désigne plus un simplet, mais à l’inverse un esprit libre, épicurien, amateur de plaisirs et de bonne compagnie.

A Demosthenes62Auteur des fameuses Philippiques contre les ambitions de Philippe II de Macédoine contre Athènes. fut reproché par un chagrin63Esprit chagrin : Pythéas, d’après Plutarque, âpre orateur qui s’en prenait à l’esprit de résistence de Démosthène (à ne pas confondre avec le grand explorateur Pythéas de Marseille). que ses Oraisons sentoient comme la serpilliere d’un ord et sale huillier.64Pythéas se moqua un jour de Démosthène en disant que ses discours « sentaient la lampe » (allusion à son travail nocturne acharné). Démosthène répliqua sèchement : « Ta lampe et la mienne, Pythéas, ne voient pas les mêmes choses », soulignant ainsi la différence de leurs engagements. Pour tant, interpretez tous mes faictz et mes dictz en la perfectissime partie; ayez en reverence le cerveau caseiforme65« En forme de fromage ». Par ce terme pseudo-savant, R. moque les pédants et leur jargon scientifique ou médical, très à la mode à la Renaissance. qui vous paist66Nourrit de ces belles billes vezées67Paroles creuses, litt. « boyaux gonflés » en poitevin., et, à vostre povoir, tenez moy tousjours joyeux.

Or esbaudissez vous, mes amours, et guayement lisez le reste, tout à l’aise du corps, et au profit des reins!

Mais escoutez, vietz d’azes68« Vits d’âne », couillons, ici terme affectueux., — que le maulubec vous trousque!69Que la peste vous ronge (s’il s’agit de la variole, la peste des boutons. Voir Gargantua, chapitre 13). Maulubec : mal de Lübeck, la peste. — vous soubvienne de boyre
à my pour la pareille : et je vous plegeray70Et je m’engage à vous rendre.
tout ares metys.71Sur-le-champ tout ce que vous mettrez (tournure conviviale occitane : Je vous rendrai la pareille chaque fois que vous me servirez à boire).

До читальника

Читальнику, що сів за книгу ти !
Тримай у жмені враження химерне
І, вчитуючись, носом не крути :
У ній нема ні злоби, ані скверни.
Нехай не все у книзі повнозерне,
Та знаєте — сказать сміховину
Такої я нагоди не мину,
А ще як бачу пику похоронну.
Хай сміх — не плач — панує на кону.
Сміятися ж судилось нам до скону
.

Одавторове слово

МОЧЕМОРДИ преславнії і ви, шовкошитні ходячі пранці (вам-бо, а не кому іншому, присвячені мої писання). У Платоновому діалогові Бенкет Алківіяд, зохвалюючи свого учителя Сократа, от уже хто філософ над філософами, прирівнював його, між іншим, до силенів.

Силенами звалися колись шкатулки, їх ще й досі продають по аптеках, зверху на них понамальовувано кумедні й утішні фігурки, всяких там гарпій, сатирів, гусаків на загнузді, рогатих зайців, качок-в’ючаків, крилатих цапів, оленів у запрягу та інші прецікаві кунштики, понавигадувані, аби людей веселити (чим і займався Силен, доброго Бахуса напутник), а всередині зберігалося дороге надіб’я, як-от бальзам, сіра амбра, амом, мускус, цибет, потовчені в порошок самоцвіти та інші коштовності.

Такий, як запевняв Алківіяд, був і Сократ: на вулиці оцінюючи його зовнішність, ви не дали б за нього щербатого мідяка, такий він був із себе препоганий і манерами неоковирний: ніс кирпою, погляд сторч, вираз на обличчі якийсь пришелепкуватий, поведенція простацька, убрання убоге, жив він біду прикупивши, з жінками сварився, служити ніде не міг, охочий був жартувати, не проливав, любив підшкильнути, а все, щоб приховати божисту свою мудрість. Але як ви шкатулу цю відкриєте, то всередині знайдете небесний, многоцінний надіб: дотепність просто-таки надлюдську, чесноту дивовижну, звагу нездоланну, тверезість неподобну, життєлюбство незнищенне, гарт непохитний, а крім того, цілковиту зневагу до всього, ради чого рід людський стільки дбає, бігає, гарує, мандрує і воює.

На що, по-вашому, б’є оце переднє слово і моя засторога? А ось на що, учнівство моє дороге та інше гультяйство! Читаючи цікаві назви деяких книжок мого компонування, скажімо, Ґарґантюа, Пантаґрюель, Феспент, Про вигоду гульфиків, Горох у салі cum commento723 додатком (латин.) тощо, ви поспішаєте вивести, що в цих творах ідеться лише про курзу-верзу, гиль-гуси та всякі інші веселі побрехеньки, тим-то заледве побачивши щось на сорочці (себто на титулі), але ще не втямивши що й до чого, ви вже ладні реготати і потішатися.

Одначе людські витвори не заслуговують, щоб їх так легковажили. Ви ж бо самі кажете, що не всяк чернець, на кому клобук, що в декого на нозі сап’ян рипить, а в борщі трясця кипить, і що на тому хоть і плащ гишпанський, але гишпанської доблести в ньому нема і в заводі.

Отож розгорніть сюю книжчину і гарненько зважте, про що в ній мова мовиться. Тоді ви зрозумієте, що надіб’я, яке вона містить, зовсім не те, яке прирікала шкатулка, іншими словами, речі, що тут викладаються, не такі вже й безрозумні, як можна подумати, читаючи заголовок. І хай навіть достеменно ви знайдете тут речі кумедні й цілком відповідні заголовку, а все ж вух не розвішуйте, слухаючи співу сирен, а ставте куди вище все те, що я, як може вам здатися, ляпнув з дурного розуму.

Чи ви пляшку коли відкубрювали? Хай ти сказишся! Згадайте, яка це втіха. А чи бачили ви собацюру, який знайшов шпикову кістку? За Платоновим твердженням (lib. II de Rep.)73У книзі II Про державу (латин.), собака серед тварин найбільший філософ.

Якщо ви бачили, то, мабуть, помітили, як святобливо оберігає він цю кістку, як ревно її ховає, як міцно тримає, як обережно бере зубами, як смачно трощить, як щиро висмоктує. З якої речі він так робить? Чого він сподівається? Чого домагається? А нічого, крім дещиці шпику.

Щоправда, ця дещиця над усе смачніша, бо шпик, мозочок — найкраща, яка тільки є на світі, пожива (за свідченням Галена III Facu. natural, і XI De usu parti).74У книзі III Про сили природні та в книзі XI Про призначення частин тіла (латин.)

Взором того собацюри ви мусите бути мудрі, аби винюшити, зачути й поцінувати ці прегарні й смаковиті книги, бути навальні у гонах і сміливі у хватці. Відтак по горливому читанню і зрілій розвазі треба розгризти кістку і висисати шпик, себто те, що я називаю пітагорійськими символами, і тоді знайте: читання вас покріпить і напоумить, бо тут вам відкриється геть-то інший дух і зовсім нова наука, щоб утаємничити вас у великі секрети і моторошні тайнощі, пов’язані з нашою вірою, політикою і побутом.

Невже ви справді гадаєте, ніби Гомер, Іліаду та Одисею пишучи, думав про ті алегорії, які йому приписали Плутарх, Гераклід Понтійський, Евстатій, Корнут і які потім у них перекрав Поліціано?

Якщо вам саме так здається, тоді нам не по руці; як на мене, про ті алегорії Гомер дбав не більше, ніж Овідій у своїх Метаморфозах про євангельські дари, і хоч би скільки один братчик, дурноверхий чорноризець, усесвітній підніжок доводив, що це не так, усе ж, як каже приказка, нема дурних.

А як ви міркуєте інакше, то з якої речі ви це робите і чом би вам тоді не зробити того самого з приводу моїх веселих і небуденних хронік, я ж бо, мережачи їх, був думкою за тридев’ять земель, як і ви, а вашим, як і нашим, гадаю, чарчина ворочається. Бо на компонування сієї царственої книги я приділив не більше часу, ніж на латання здоров’я, тобто питву і їдлу.

Чи не пора писати про такі високі матерії і про такі глибокі питання, як у ній, так, це вже показав нам Гомер, цей філолог над філологами, а також Енній, цей, за свідченням того ж таки Горація, батько поетів-латинян, дарма що якийсь недоумок ляпнув був, що його вірші тхнуть вином, а не єлеєм. Те саме заявив про мої книги один зоїл — хай йому грець! Йому й не втямки, що вино пахне куди смачніше, солодше, спокусливіше, бадьоріше і тонше, ніж якийсь там єлей! І як про мене піде слава, що на вино я трачу більше, ніж на оливу, я загордію, не кажи той Демостен, коли про нього подейкували, що він оливник, а не виник.

Мені це честь і похвала, коли мене узивають почарківцем і скляного бога поклонником, з таким ім’ям мені залюбки наллють у будь-якому гурті пантаґрюелістів.

Демостенові хтось закинув те, що від його Промов тхне, як від засмальцьованого і брудного хвартуха олійника. Ну, а ви тлумачте мої вчинки і мої речення в якнайкращий бік, шануйте сироподібний мій мозок, як хочете почути щось прецікаве, і підтримуйте по змозі мою веселість.

Отож веселіться, кохані мої, і втішайтеся, читаючи подальші сторінки, на здоров’я тілові, на пожиток ниркам!

Але дивіться, сучі сини — ну сіло ік
лихій годині! — випийте за
мене, а я вас притьмом
підтримаю.


I – De la genealogie et antiquité de Gargantua

Je vous remectz à la grande chronicque Pantagrueline recongnoistre la genealogie et antiquité dont nous est venu Gargantua. 75Le fruit de la lignée, comme dans les romans de chevalerie.. En icelle vous entendrez plus au long comment les geands nasquirent en ce monde, et comment d’iceulx, par lignes directes, yssit76Sortit. Gargantua, pere de Pantagruel, et ne vous faschera si pour le present je m’en deporte77Abstiens, combien que la chose soit telle que, tant plus seroit remembrée78Rappelée., tant plus elle plairoit à vos Seigneuries; comme vous avez l’autorité de Platon, in Philebo et Gorgias, et de Flacce79Référence à Erasme., qui dict estre aulcuns propos, telz que ceulx cy sans doubte, qui plus sont delectables quand plus souvent sont redictz.

Pleust à Dieu qu’un chascun sceust aussi certainement sa geneallogie, depuis l’arche de Noë jusques à cest eage ! Je pense que plusieurs sont aujourd’huy empereurs, roys, ducz, princes et papes en la terre, lesquels sont descenduz de quelques porteurs de rogatons80Reliques destinées à demander l’aumône. et de coustretz81Cotrets, hottes de vendanges., comme, au rebours, plusieurs sont gueux de l’hostiaire, souffreteux et miserables, lesquelz sont descenduz de sang et ligne de grandz roys et empereurs, attendu l’admirable transport82Le « translatio imperii », concept politique au cœur du conflit franco-germanique au XVIe siècle. Une idéalisation des origines, fabriquée par des juristes et autres historiographes au service de François 1er. Source de maintes usurpations83. des regnes et empires :

des Assyriens es Medes,
des Medes es Perses,
des Perses es Macedones,
des Macedones es Romains,
des Romains es Grecz,
des Grecz es Françoys.84R. adhère aux prétentions de François Ier à l’empire pour contrer Charles Quint, notamment en Italie, sans toutefois prôner la guerre ou la domination. Voir Picrochole, antithèse des valeurs humanistes portées par Grandgousier et Gargantua. Pour l’auteur, il s’agit surtout de défendre, au moyen du rire, la souveraineté de la France, y compris vis-à-vis de Rome. Aujourd’hui on appelle cela le soft power, à l’époque on disait utile dolce, utile-doux en italien.

Et, pour vous donner à entendre de moy qui parle, je cuyde85J’imagine. que soye descendu de quelque riche roy ou prince au temps jadis; car oncques ne veistes86Jamais ne vîtes. homme qui eust plus grande affection87Passion. d’estre roy et riche que moy, affin de faire grand chere, pas ne travailler, poinct ne me soucier, et bien enrichir mes amys et tous gens de bien et de sçavoir. Mais en ce je me reconforte que en l’aultre monde je le seray, voyre plus grand que de present ne l’auseroye soubhaitter. Vous en telle ou meilleure pensée reconfortez vostre malheur, et beuvez fraiz, si faire se peut.

Retournant à noz moutons , je vous dictz que par don souverain des cieulx nous a esté reservée88Conservée. l’antiquité et geneallogie de Gargantua plus entiere que nulle aultre, exceptez celle du Messias, dont je ne parle, car il ne me appartient, aussi89Parce que. les diables (ce sont les calumniateurs90L’étymologie même de diable, en grec διάβολος (diábolos). et caffars91Hypocrites religieux.) se y opposent.

Et fut trouvée par Jean Audeau92Personnage fictif. Si le nom « Audeau » provient du germanique Eudes (Odo), synonyme de richesses, « Jean » évoque plutôt la simplicité. Ainsi la simplicité s’enrichit en découvrant un trésor. C’est le bon sens rural, populaire et naïf, source lui aussi de révélations savantes. en un pré qu’il avoit près l’arceau Gualeau93Probablement inventé. Du verbe « galer », faire la noce, offrant une touche joyeuse et populaire, peut-être même gauloise. Cette localité figure sur les cartes actuelles., au dessoubz de l’Olive94Une ferme?, tirant à Narsay95Lieu réel près de Chinon., duquel faisant lever96Curer. les fossez, toucherent les piocheurs de leurs marres97Houes de vigneron. un grand tombeau de bronze, long sans mesure, car oncques n’en trouverent le bout par ce qu’il entroit trop avant les excluses de Vienne. 98La Vienne n’est plus navigable de nos jours.

Icelluy ouvrans en certain lieu, signé99Marqué., au dessus, d’un goubelet à l’entour duquel estoit escript en lettres Ethrusques : HIC BIBITUR100Ici on boit en latin, trouverent neuf flaccons en tel ordre qu’on assiet101Aligne. les quilles en Guascoigne, desquelz celluy qui au mylieu estoit couvroit un gros, gras, grand, gris, joly, petit, moisy livret, plus, mais non mieulx sentent que roses.

En icelluy fut ladicte geneallogie trouvée, escripte au long de lettres cancelleresques102Lettres cursives de chancellerie (notamment pontificale) difficiles à déchifrer., non en papier, non en parchemin, non en cere, mais en escorce d’ulmeau103Ecorce d’ormeau., tant toutesfoys usées par vetusté qu’à poine en povoit on troys recognoistre de ranc.104« Qu’à peine pouvait-on en reconnaître trois d’affilée ».

Je (combien que indigne) y fuz appelé, et, à grand renfort de bezicles105Bésicles, lunettes., practicant l’art dont on peut lire lettres non apparentes, comme enseigne Aristoteles106Rien de tel chez Aristote!, la translatay, ainsi que veoir pourrez en Pantagruelisant, c’est-à-dire beuvans à gré et lisans les gestes horrificques de Pantagruel.

A la fin du livre estoit un petit traicté intitulé : Les Fanfreluches107Choses vaines, futiles, légères. antidotées. 108L’antidote étant ici une lecture attentive. Les ratz et blattes, ou (affin que je ne mente) aultres malignes bestes, avoient brousté le commencement; le reste j’ay cy dessoubz adjouté, par reverence de l’antiquaille.

Про родовід і вікодавній корінь Ґарґантюйський

Тим, хто хоче походження і давній рід Ґарґантюйський знати, рекомендую великий Пантаґрюельський літопис. Він підкаже вам значно більше, звідки на цім світі взялися великолюди і як із їхнього безпосереднього коліна народився Ґарґантюа, батько Пантаґрюелів. А мені вже даруйте, що я утримаюсь про це розводитися, дарма що се предмет такий, що хоч скільки про нього товчи, він Вашому Добродійству не набридне: досить послатися на авторитет Платона з його Філебом і Ґорґієм та на Флакка, — той казав, що деякі вислови (як оце мої) стають од повтору для вуха любіші.

Дай Боже, щоб кожен отак добре знав свою генеалогію від Ноєвого ковчега до сьогодення! Як на мене, многі з теперішніх потужників, царів, дуків, принців і пап походять од якихось торгівців образками та кошельників і, навпаки, чимало хиренних і стражденних нищунів із приюту доводяться кревними і прямими нащадками великим королям та цезарям, якщо зважити, як швидко позаступали на престолах і царствах


ассирян мідяни,
мідян перси,
персів македоняни,
македонян римляни,
римлян греки,
греків французи.

Щодо мене самого, то я не інакше, як парость котрогось багатого царя чи вельможного принца, що жили во время оно, адже навряд щоб був на крузі земнім такий чоловік, який аж реґне109Прагне, рветься., як оце я, пошитися в королі чи в багачі, а все на те, щоб гуляти, буяти, ні про що не дбати і взолочувати своїх приятелів та всіх людей достойних і одукованих. Але я веселю себе тим, що в позасвітті вискочу вже на царя, та ще такого царственого, що й думкою не здумати. Отак і ви, а, може, ще краще, думкою багатійте у своїй мізерії, і пийте здорові, як охота.

До наших баранів вертаючись, скажу вам, що з призводу високих небес походження і родовід Ґарґантюйський дійшли до нас повнішими, ніж будь-які інші, поминаючи родовідну книгу Месії, але про неї — мовчок, бо тут не моє мелеться, до того ж іще й враги роду людського, себто обмовники й Гіппократи, всі як один проти таких згадок.

Книгу з родоводом Ґарґантюа знайшов Жан Одо на своєму лужку в закруті Ґюало, нижче Оливи, як повернути на Нарсе. Копачі на його загад чистили ями, і їхні лопати наткнулися на величезну бронзову усипальню, таку довженну, що до її краю так і не добралися, — склеп тягнувся кудись аж за в’єнські шлюзи.

Склеп наважилися відкрити там, де красувалося зображення кубка з написом етруськими літерами довкола нього: HIC BIBITUR110Тут п’ють (латин.), і знайшли дев’ятеро пляшок, поставлених так, як ґасконці ставлять скраклі, а під середньою плящиною — грубеньку, невкладисту, здоровецьку, ветху, гарненьку, маніпусіньку, цвілу книжчину, що пахла хоч і не пахкіше, але вочевидь міцніше від троянди.

Власне, то й була генеалогічна книга, написана від дошки до дошки курсивом, але не на папері, не на пергамені, не на повоскованих табличках, а на бересті, такому ветхому, що годі було щось розібрати.

Я (великогрішник) був туди закликаний і, озброївшися скельцями, пішов на ті хитрощі прочитання стертих літер, які підказав нам Арістотель, та й порозшифровував їх геть усі, що ви можете перевірити на собі, сівши пантагрюелювати, себто зазирати одним оком до чарки, а другим читати і перечитувати нотатки про страшелезні подвиги Пантагрюеля.

Наприкінці книжки містився невеличкий трактатик під титулом Фрашки-антидоти. Пацюки й таргани чи там (щоб не збрехати) які інші шкідники сгрубили її початок; решту я тут доточую, лише з пошани до антиків.


2 – Les Fanfreluches antidotées111« Bagatelles pourvues d’un remède », autrement dit une énigme, genre apprécié au
XVIe s.
, trouvées en un monument antique

^ venu le grand dompteur des Cimbres112Tribu germano-celte vaincue par Caius Marius dans la plaine du Pô.,
`* ssant par l’aer, de peur de la rousée.
*¡ sa venue on a remply les timbres de
¤ beurre fraiz, tombant par une housée. 113Voici venu le grand dompteur des Cimbres
Passant par l’air, de peur de la rosée,
A sa venue on a rempli les timbres (auges)
De beure frais, tombant par une ondée.

Duquel quand fut la grand mere arrousée,
Cria tout hault : « Hers114Seigneur (patois suisse)., par grace, pesche le115Prononcer « pêchel ».;
Car sa barbe est presque toute embousée
Ou pour le moins tenez luy une eschelle.

Aulcuns disoient que leicher sa pantoufle
Estoit meilleur que guaigner les pardons116Le pape, traficant d’indulgences. ;
Mais il survint un affecté Marroufle117Luther ?,
Sorti du creux ou l’on pesche aux gardons118Lac (suisse?),
Qui dict : « Messieurs, pour Dieu nous en gardons;
L’anguille y est et en cest estau119Boutique (papale?) musse120Se cache;
Là trouverez (si de près regardons)
Une grande tare121Défaut, vice caché. Allusion à « tiare », la couronne du pape. au fond de son aumusse ». 122Chaperon fourré des ecclésiastiques, capuche pouvant contenir des choses dissimulées.

Quand fut au poinct de lire le chapitre,
On n’y trouva que les cornes d’un veau123Autrement dit pas grand chose, l’image vise l’érudition creuse et les gloses inutiles. :
« Je (disoit il) sens le fond de ma mitre
Si froid que autour me morfond le cerveau. »
On l’eschaufa d’un parfunct de naveau124Navet.,
Et fut content de soy tenir es atres,
Pourveu qu’on feist un limonnier noveau125Mais, réchauffé d’un parfum de navet, Il se contenta de rester près de l’âtre, Pourvu qu’on fit attelage nouveau Pour tant de gens qui sont acariâtres.
A tant de gens qui sont acariatres. 126Acharnés, autrement dit les fous furieux. De St Acaire, guérisseur des fous.

Leur propos fut du trou de sainct Patrice127Le « Purgatoire » de Saint Patrick en Irlande, lieu de pèlerinage médiéval censé être l’entrée du Purgatoire. Une énigme de Mellin de St-Gelais
comporte certaines analogies.
,
De Gilbathar128Déformation sans doute volontaire., et de mille aultres trous129Allusion anatomique, mais aussi métaphore probable des abysses de l’âme humaine et de ses failles (physiques, morales ou sociales). Mellin de St-Gelais l’appelle Trou de la Sybille (Séville). :
S’on les pourroit réduire à cicatrice130Vaine tentative de dissimuler les vices par des faux-semblants.
Par tel moien que plus n’eussent la tous,
Veu qu’il sembloit impertinent à tous
Les veoir ainsi à chascun vent baisler;
Si d’adventure ilz estoient à poinct clous131Ironie. Comme si l’on pouvait « réparer » ces défauts comme on bouche un trou avec un clou.,
On les pourroit pour houstage bailler. 132Les Français retenus à Madrid par Charles Quint ?

En cest arrest133Jugement, arrêt. le courbeau fut pelé
Par Hercules, qui venoit de Libye.
Quoy ! dist Minos, que n’y suis-je appellé?
Excepté moy, tout le monde on convie,
Et puis l’on veult que passe mon envie
A les fournir d’huytres et de grenoilles;
Je donne au diable en quas que134Si jamais. de ma vie
Preigne à mercy135En pitié. leur vente de quenoilles. 136Quenouilles, outil de filage. Symbole ici d’activité futile ou dérisoire.

Pour les matter137Surveiller. survint Q. B. qui clope138Qui boitille (comme dans les initiales).,
Au sauconduit139Avec le laisser-passer? des mistes140Initiés, « mystes ». R. ironise au sujet des pédants qui se targuent de connaissances profondes. Sansonnetz. 141Etourneaux, autrement dit les moines Sansonnets (de St-Samson?).
Le tamiseur142Passeur de blé. Symbole de la raison éclairée qui « tamise » les abus ecclésiastiques ?, cousin du grand Cyclope,
Les massacra. Chascun mousche son nez143Fait le signe de croix? :
En ce gueret144« Bled ». peu de bougrins145Sodomites. sont nez,
Qu’on n’ait berné146Roulés, balancés. sus le moulin à tan.147Métaphore : instrument de supplice.
Courrez y tous et à l’arme sonnez :
Plus y aurez que n’y eustes antan.148Que l’an dernier.

Bien peu après, l’oyseau de Jupiter149L’Aigle impériale, symbole du pouvoir suprême.
Delibera pariser150Parier. pour le pire,
Mais, les voyant tant fort se despiter151S’affronter violemment (prononcer « despitèr »).,
Craignit qu’on mist ras, jus, bas, mat152Termes d’échecs médiévaux. Ras : Échec (menace directe), Jus : Abattre (capturer), Bas : Position inférieure (défaite), Mat : Échec et mat. l’empire,
Et mieulx ayma le feu du ciel empire153L’Empyrée, ciel des dieux, autrement dit : la fourdre divine. 
Au tronc154Etal. ravir où l’on vend les soretz155Harengs-saures, par extension produits vulgaires.,
Que aer serain, contre qui l’on conspire,
Assubjectir es dictz des Massoretz. 156Interprètes juifs des Ecritures, fixateurs de la tradition textuelle hébraïque.

Le tout conclud fut à poincte affilée,
Maulgré Até157Déesse grecque, semeuse de discorde. la cuisse heronniere158Comme celle d’un héron, image de décrépitude ou de faiblesse physique, voire de ridicule.,
Que là s’assist, voyant Pentasilée159Pennthélisée, reine des Amazones.
Sur ses vieux ans prinse pour cressonniere.
Chascun crioit : Vilaine charbonniere,
T’appartient-il toy trouver par chemin?
Tu la tolluz160Tu l’as prise. la Romaine baniere
Qu’on avoit faict au traict161Acte officiel. du parchemin !162La fameuse donation de Constantin ? Par ce faux, la papauté reçut l’imperium (autorité) sur l’Occident.


Ne fust Juno, que dessoubz l’arc celeste163Arc-en-ciel.
Avec son duc164Granc duc (ou Jupiter?) tendoit à la pipée165Attirer des oiseaux à l’aide d’un appelant (souvent un hibou ou un duc) pour les capturer plus facilement.,
On luy eust faict un tour si très moleste166Fâcheux.
Que de tous poincts elle eust esté frippée. 167Ridiculisée ou malmenée.
L’accord fut tel que d’icelle lippée168Becquée, festin, mais aussi ruse ou tromperie. 
Elle en auroit deux oeufz169Récompense ambiguë, peut-être emposonnée. de Proserpine170Déesse des Enfers.,
Et, si jamais elle y estoit grippée171Prise au piège.,
On la lieroit172Enchaînerait. au mont de l’Albespine.173Aubépine, plante associée à la purification, à la frontière entre mondes, mais aussi à la punition dans certains récits populaires.


Sept moys après, houstez en vingt et deux174Petit jeu de dates dans le style des manuscripts codés.,
Cil qui jadis anihila Carthage175Scipion, symbole de puissance, également lié aux questions de l’héritage et de partage des richesses après la victoire.
Courtoysement se mist en mylieu d’eux,
Les requerent d’avoir son heritage,
Ou bien qu’on feist justement le partage
Selon la loy que l’on tire au rivet176Répartition juste et mécanique.,
Distribuent un tatin du potage177Une part de la « soupe ».
A ses facquins qui firent le brevet.178Acte.

Mais l’an viendra, signé d’un arc turquoys179Oriental. Signe céleste annonciateur de bouleversements.,
De V. fuseaulx et troys culz de marmite180Formule humouristique imitant les prophéties.,
Onquel le dos d’un roy trop peu courtoys
Poyvré181Syphilitique, vérolé. sera soubz un habit d’hermite. 182Charles Quint ?
O la pitié ! Pour une chattemite183Un hyprocrite.
Laisserez vous engouffrer tant d’arpens?184Vastes territoires.
Cessez, cessez; ce masque nul n’imite;
Retirez vous au frere des Serpens.185Satan ?

C’est an passé186Le temps est venu., cil qui est187Celui qui est : Dieu. regnera
Paisiblement avec ses bons amis.
Ny brusq188Brutalité. ny smach189Violence, choc. lors ne dominera;
Tout bon vouloir aura son compromis,
Et le solas190Réconfort., qui jadis fut promis
Es gens du ciel191Chrétiens, justes, élus. , viendra en son befroy192Tour, symbole de pouvoir et de sûreté.;
Lors les haratz193Braves, chevaliers, ou bien hérauts (messagers)., qui estoient estommis194Découragés, écartés.,
Triumpheront en royal palefroy. 195Cheval noble, symbole de victoire et de noblesse.

Et durera ce temps de passe passe
Jusques à tant que Mars ayt les empas.196Fers.
Puis en viendra un197Jésus ? qui tous aultres passe,
Delitieux, plaisant, beau sans compas.198Sans comparaison possible, naturellement parfait.
Levez vos cueurs199Sursum corda ! de la messe en latin., tendez à ce repas200Festin symbolique.,
Tous mes feaulx201Fidèles., car tel est trespassé
Qui pour tout bien202« Tout l’or du monde ». ne retourneroit pas,
Tant sera lors clamé203Regretté. le temps passé.

Finablement, celluy qui fut de cire204Métaphore de la fragilité, de la malléabilité, ou de la faiblesse.
Sera logé205Placé. au gond du Jacquemart. 206Automate ou figure mécanique qui frappe les heures sur une cloche dans les beffrois. Autrement dit, « sera placé au milieu du mécanisme, deviendra partie intégrante de la machine (du destin, du temps, de la société)..
Plus ne sera reclamé : « Cyre, Cyre »,
Le brimbaleur207Celui qui fait bouger, qui agite. qui tient le cocquemart.208Bâton.
Heu, qui pourroit saisir son braquemart209Bâton, mais aussi membre en érection. « Ah, si quelqu’un pouvait saisir/maîtriser son sexe/son épée) ».,
Toust seroient netz les tintouins cabus210Tous les gros tracas seraient envolés.,
Et pourroit on, à fil de poulemart211A l’aide de cordage.,
Tout baffouer212Ficeler / ou tourner en ridicule. le maguazin d’abus.213L’Eglise, la société, l’idéologie dominante, &c.

Фрашки-антидоти,
на давніх руїнах

знайдені

…це він, хто подолав кімврійську силу,
Не зароситись щоб, летить, як змій.
Узрівши це, люд розлива в барила
Потоками духмянистий олій.
Одна лиш бабця, стало страшно їй,
Кричить вона: «О Боже милостивий!
Драбину! Чи ловіть його мерщій!
Адже зробився він такий дрисливий!»

Слід капець лиш йому поцілувати,
— Хтось міркував, — і тим перепросить.
Та ось явився тип шахраюватий
З країв, де ловлять краснопірку й пліть,
І проказав: «Господь вас хай хранить!
Нечисте щось таїться перед вами.
Отож остерігайтеся, щоб гидь
Не випливла раптово десь із ями».

Ба глузду в цьому розділі прехитрім
Десь стільки, скільки у теляти ріг :
«Я чую, — гість промовив, — як у митрі
Від холоду мій мозок геть застиг».
Та при вогні, від токів запашних
Розвареної брукви вгрівся скоро,
Радіючи, що дурнів, знову їх,
Вбирає, як голоблеників, в шори.

Про Патрика святого йшлося щілку,
Про Ґібралтар і сотні інших дір.
Коли б вони загоїлись настільки,
Що перестали ображати зір
І вже б не дихали на нас з тих пір
Страшним сопухом земляного газу,
От ми тоді закрили б їх, повір,
І здать в оренду вирішили б зразу.

Відтак прийшов обскубувати крука
Геракл з лівійських негостинних піль.
«Ти бач! — гукнув Мінос сердитим гуком, —
Крім мене, в вас тут гості звідусіль!
По-їхньому, у мене тільки й діл,
Що жаб і устриць їм на стіл носити!
Якщо я дам їм продавать кужіль,
Хай сатана мене візьме неситий!»

Прибув уговкать їх К. Б. кульгавий,
І перепустку від шпаків приніс.
Свояк Циклопа, цей чухрай на славу,
Убив їх. Кожен висякай свій ніс!
І всякого з содому цих гульвіс
Обсміяно було на винотоці.
Біжіть туди і роздзвоніте скрізь:
Їх буде більше, ніж у тому році.

Тоді Юпітера рішила птиця
Побитись у заклад, але — гай-гай!
Побачивши, як звикли вони злиться,
Злякалась, що упасти може рай.
Зате вогонь небесний — наших знай! —
Украла з гаю, у рибалок десь там,
І ввесь взяла в обладу небокрай,
Як в давнину учили масорети.

Всі згодились, начхати їм на теє,
Що Ата там була, її охлялий зад,
І видалася їм Пентесілея
Бабусею, що продає салат.
Гукав їй кожен: «Забирайсь назад,
Потворо! Більше не підходь до мене!
Це ж треба було підступом узять
У римлян їхній стяг з веленя!»

Юнона з пугачем-вабцем окатим
З-за хмар на птахів зирила униз.
Таку зуміли з нею штуку вдрати,
Що позбулась вона усяких риз.
Вона устигла — шпичку їй у ніс —
Лиш два яйця забрати в Прозерпіни,
А то за неї дружно б узялись
І на горі припнули б до ґлодини.

Через сім місяців (а, може, й більше)
Солдат, що Картаген підбив до ніг,
Спокійно в їхній круг ступивши,
Свої маєтки повернути міг,
Чи поділить належним чином їх
Рівненько, як стібки завжди однакі,
Як суп, розлитий під веселий сміх
Вантажникам у їх порожні баки.

Та самострілом, дном порожнім гарнця
І прядками відзначиться цей рік,
Коли згризуть під горностаєм пранці
Цареві тіло все його і лик.
Невже через святенницю повік
Арпанів стільки має тут пропасти?
Облиште! Ваша маска для калік,
Тікайте! Згубить вас цей брат зміястий.

А добіжить цей рік до краю скоро,
На землю зійдуть мир і тишина.
Минуться ґвалт, образи і роздори,
А честь — у шані буде вже вона.
І радість, що у заповідь дана
Насельникам небес, зійде на вежу.
І з волі царственого скакуна
Стражденник запанує як належить.

Часи ці протривають, аж допоки
Прикутий Марс на ланцюгу сидить.
А потім прийде муж веселоокий,
Над усіма найкращий миловид.
Радій же і лови, друзяко, мить,
Бо тим, що душу віддали вже Богу,
Даремно за минулим їм жаліть,
Назад не відшукати їм дороги.

І зрештою того, хто був із воску,
Повісити взялись на жакемар.
А звати паном навіть підголоски
Тебе не стануть, якщо ти дзвонар.
Ех, коли б шаблею відбить його удар,
То зайві стали б хитрі визворотки,
Тоді зав’язуй без усяких свар
Всі прикрощі одним кінцем коротким.


3 – Comment Gargantua fut unze moys porté ou ventre de sa mere

Grandgousier214Grand gosier (goinfre). estoit bon raillard215Plaisant compère. en son temps, aymant à boyre net216Cul sec. autant que homme qui pour lors fust au monde, et mangeoit voluntiers salé. 217Allusion à Pantagruel, démon qui donne soif. A ceste fin, avoit ordinairement bonne munition de jambons de Magence et de Baionne, force langues de beuf fumées, abondance de andouilles en la saison et beuf sallé à la moustarde, renfort de boutargues218« Caviar » provençal., provision de saulcisses, non de Bouloigne219Bologne. (car il craignoit ly220« Le » dit à l’ancienne. Couleur archaïque. boucon221Poison (la Lombardie étant réputée pour les empoisonnements à cette époque). De « boccone » ou pillule en italien. de Lombard), mais de Bigorre, de Lonquaulnay, de la Brene et de Rouargue.

En son eage virile, espousa Gargamelle222« Gosier » au sens propre., fille du roy des Parpaillos223Sauvages mythiques (Papillons) réputés antichrétiens. Plus tard surnom des protestants., belle gouge224Belle nana. et de bonne troigne, et faisoient eux deux souvent ensemble la beste à deux doz, joyeusement se frotans leur lard, tant qu’elle engroissa d’un beau filz et le porta jusques à l’unziesme moys. 225La question était réelle, d’ailleurs le fameux juriste et ami de Rabelais, André Tiraqueau, en traite dans ses écrits. Voir le personnage de Trinquamelle.

Car autant, voire dadvantage, peuvent les femmes ventre porter, mesmement quand c’est quelque chef d’oeuvre et personnage que doibve en son temps faire grandes prouesses, comme dict Homere que l’enfant duquel Neptune engroissa la nymphe226Tyro. nasquit l’an après revolu : ce fut le douziesme moys. Car (comme dit A. Gelle, lib III), ce long temps convenoit à la majesté de Neptune, affin qu’en icelluy l’enfant feust formé à perfection.

A pareille raison, Jupiter feist durer XVLIII heures22748 heures. la nuyct qu’il coucha avecques Alcmene, car en moins de temps n’eust il peu forger Hercules qui nettoia le monde de monstres et tyrans.

Messieurs les anciens Pantagruelistes ont conformé ce que je dis et ont declairé non seulement possible, mais aussi legitime, l’enfant né de femme l’unziesme moys après la mort de son mary:

Hippocrates, lib De alimento,
Pline, li. VII, cap. V,
Plaute, in Cistellaria,
Marcus Varro, en la satyre inscripte Le Testament, allegant l’autorité d’Aristoteles à ce propos, Censorinus, li. De die natali,
Aristoteles, libr. VII, capi. III et IIII, De nat. animalium,
Gellius, li. III, ca. XVI
Servius, in Egl., exposant ce metre de Virgile: Matri longa decem, etc. ,

et mille aultres folz; le nombre desquelz a esté par les legistes acreu, ff. De suis et legit., l. Intestato, §fi., et, in Autent., De restitut. et ea que parit in XI mense. D’abondant228Par surcroît. en ont chaffourré229Barbouillé, bourré. leur robidilardicque230Néologisme de R. fondé sur rodilardus (ronge-lard, rat) et rober (dérober) à quoi s’ajoute « robe », attribut des docteurs de la Sorbonne. loy : Gallus, ff. De lib et posthu., et l. septimo ff. De stat. homi, et quelques aultres, que pour le present dire n’ause. Moiennans lesquelles loys, les femmes vefves peuvent franchement jouer du serrecropiere231« Serrer la croupière » (image équestre). à tous enviz et toutes restes232A tous défis et en risquant tout (termes de jeu, « tenter le tout pour le tout »)., deux moys après le trespas de leurs mariz.

Je vous prie par grace, vous aultres mes bons averlans233Mes bons lascars., si d’icelles en trouvez que vaillent le desbraguetter234Qui méritent qu’on ouvre sa braguette., montez dessus et me les amenez. Car, si au troisiesme moys elles engroissent, leur fruict sera heritier du deffunct; et, la groisse congneue235Une fois la grossesse connue., poussent hardiment oultre, et vogue la gualée puis que la panse est pleine ! — comme Julie, fille de l’empereur Octavian236Propos de table, en l’occurence chez Macrobe et plus haut chez Aulu-Gelle sur le meilleur moment pour une infidélité, à savoir une grossesse. Voir la « Querelle des femmes » dans le Tiers Livre., ne se abandonnoit à ses taboureurs237Tambourineurs. sinon quand elle se sentoit grosse, à la forme que la navire ne reçoit son pilot que premierement ne soit callafatée et chargée. 238Métaphore grivoise.

Et, si personne les blasme de soy faire rataconniculer239Néologisme de R. composé du verbe rataconner (raccommoder) et « cunis« , le « con ». ainsi suz leur groisse, veu que les bestes suz leur ventrées n’endurent jamais le masle masculant240Vu que les bêtes pleines ne se livrent jamais au mâle en rut., elles responderont que ce sont bestes, mais elles sont femmes, bien entendentes les beaulx et joyeux menuz droictz de superfection241Ou « siperfetation », plusieurs grossesses à la suite, ou fécondation se produisant chez une femelle qui porte déjà un fœtus., comme jadis respondit Populie, selon le raport de Macrobe, li. II Saturnal. Si le diavol ne veult qu’elles engroissent, il fauldra tortre le douzil242Tourner la « chevillette » (bouche-trou, robinet en tonnellerie)., et bouche clouse. 243Bouche cousue.

Як мати Ґарґантюа виношувала його аж одинадцять місяців

Колись-то з Ґранґузьє був добрий паливода, тоді звичаєм його краю він добре пінної лигав і заїдав смачненько соленим. Для цього він припасав чимало майнцької і бойонської шинки, здобіль вуджених язиків бичачих, а про зиму силу-силенну ковбас, багацько солонини з муштардою, а ще в нього водився провансальський кав’яр і сосиски, але не болонські (він боявся ломбардської отрути), а бігоррські, лонгенайські, бренські і руарзькі.

Уже в літах одружився він з Ґарґамеллою, мотилькоцького царя донькою, дівчиною показною і гожою, і часто вони творили разом звіра з двома спинами, веселенько човгаючись одне на одному своїм салом, від чого жінка зайшла на доброго сина і носила його аж одинадцять місяців.

Бачте, носити аж стільки, ба навіть іще більше, жінки цілком здатні, надто як ношено когось небувалого, незвичайного, на кого великі справи чекають. Так, Гомер свідок: дитина, якою зачереватіла від Нептуна німфа, народилася через рік, тобто через дванадцять місяців. Бо (як мовить Авл Ґеллій, lib. III244У книзі III (латин.)) тривалий цей реченець достоту відповідав Нептуновій величі: Нептунове дитятко лише за такий період і могло остаточно сформуватися.

З цього ж таки приводу Юпітер подовжив ніч, проведену з Алкменою, до сорока восьми годин, бо за коротший час він навряд щоби склепав Геркулеса, який очистив світ від страховищ і тиранів.

Панове давні пантагрюелісти потверджують сказане мною і заявляють, що дитина, сплоджена жінкою через одинадцять місяців по мужевій смерті, не тільки можлива, а й цілком законна:

Гіппократ, lib. De alimento245Книга Про страву (латин.),
Плінній, li. VII, cap. V246Книга VII, розділ V (латин).,
Плавт, in Cistellaria247Комедія про шкатулку (латин.),
Марк Веррон у сатирі Духівниця з відповідними посиланнями на Арістотеля,
Цензорин li. De die natali248Книга Про день народження (латин.),
Арістотель libr. VII, сарі. III і IV, De nat. animalium249Книга VII, розділи III і IV, Про при(роду) тварин (латин.),
Ґеллій, li. III cap. XVI.250Книга III, розділ XVI (латин.)
Сервій у Коментарях до Еклоґ, тлумачачи Верґіліїв вірш: Matri longa decern, тощо251Матері довгії десять

та безліч інших божевільників, чия кількість зросте, як до них прилучити ще й законників: ff. De suis et legit., a також: l. Intestato, § fi., і, in Autent., De restitut. et ea que parit in XI Mense. 252Диґести Про своїх і законних, закон «Тому, хто не залишив духівниці», параграф 13… Новели про відновлення у правах і про ту, що розроджується на одинадцятому місяці (латин.) Нарешті було спроворено з цього приводу посіпацький закон: Gallus, ff. De lib. et posthu. et l. septimo ff. De stat. homi.253Ґалл, Диґести, Про дітей і посмертних спадкоємців і Диґести Про стан людей, закон «На сьомому (місяці)» (латин.), і ще я міг би навести інші закони, якби стало мені на це духу. За підмогою таких законів удовички можуть вільно пускатися берега цілі два місяці по тому, як їхній муж сконає.


4 – Comment Gargamelle, estant grosse de Gargantua, mangea grand planté de tripes

Як уже черевата Ґарґантюа об’їлася Ґарґамелла утрібкою

L’occasion et maniere comment Gargamelle enfanta fut telle, et, si ne le croyez, le fondement vous escappe !

Le fondement luy escappoit254Allusion à une diarrhée ou à un prolapsus rectal. une après dinée, le IIIe jour de febvrier255Mois important, puisqu’il est celui de St Blaise, patron du vent (et du pet)., par trop avoir mangé de gaudebillaux. 256Tripes à la mode de Caen, mais de Chinon (tripes grasses de bœufs engraissés). Gaudebilleaux sont grasses tripes de coiraux. Coiraux sont beufz engressez à la creche et prez guimaulx. Prez guimaulx sont qui portent herbe deux fois l’an. D’iceulx graz beufz avoient faict tuer troys cens soixante sept mille et quatorze, pour estre à mardy gras sallez, affin qu’en la prime vere ilz eussent beuf de saison à tas pour, au commencement des repastz, faire commemorations257Prières, oraison rappelant la vie d’un saint. de saleures et mieulx entrer en vin.258Entrer en vin : commencer à boire.

Les tripes furent copieuses, comme entendez, et tant friandes estoient que chascun en leichoit ses doigtz. Mais la grande diablerie à quatre personnaiges259Scène complexe à quatre diables, difficile à suivre. estoit bien en ce que possible n’estoit longuement les reserver, car elles feussent pourries. Ce que sembloit indecent. Dont fut conclud qu’ils les bauffreroient sans rien y perdre. A ce faire convierent tous les citadins de Sainnais, de Suillé, de la Roche Clermaud, de Vaugaudray, sans laisser arrieres le Coudray Montpensier, le Gué de Vede et aultres voisins260Lieux entourant la Devinière. Grangousier est donc censé habiter la ferme des Rabelais., tous bons beveurs, bons compaignons, et beaulx joueurs de quille là. 261Probablement un refrain de chanson à boire. Allusion certainement grivoise.

Le bonhomme Grandgousier y prenoit plaisir bien grand et commendoit que tout allast par escuelles. 262Une écuelle était normalement servie pour deux personnes, ici pour une seule. Disoit toutesfoys à sa femme qu’elle en mangeast le moins, veu qu’elle aprochoit de son terme et que ceste tripaille n’estoit viande263Nourriture. moult louable : — Celluy (disoit il) a grande envie de mascher merde, qui d’icelle le sac mangeue.264« Celui qui en mange le sac ». Cette manière de conjuguer le verbe manger était déjà archaïque au temps de R. Non obstant ces remonstrances, elle en mangea seze muiz, deux bussars et six tupins.265Muid de vin (barrique de 268 litres), bussard (à peu près pareil), tupin (pot). O belle matiere fecale que doivoit boursouffler en elle !

Après disner, tous allerent pelle melle à la Saulsaie266Prairie au bas de la Devinière, maison natale de Rabelais., et là, sus l’herbe drue, dancerent au son des joyeux flageolletz et doulces cornemuzes tant baudement267Allègrement. que c’estoit passetemps celeste les veoir ainsi soy rigouller.

Ось за яких обставин і як саме розродилася Ґарґамелла, — а не вірите, хай випаде вам кишка!

А в Ґарґамелли кишка випала по обіді, третього лютого, бо вона переїлася ґодбійо. Ґодбійо — це хляки тлустих ґімо. Ґімо — це лужки, де за літо бувають дві косовиці. Отож, забито триста шістдесят сім тисяч чотирнадцять таких тлустих воликів і задумано на Масницю їх засолити: тоді м’яса стане ще й на весну і можна буде перед трапезою посолонцювати, а посолонцюєш, то й на вино потягне.

Скинбеями, як бачите, зафундувалися, та такими смаковитими, що кожен їдець ще й пальці собі облизував. Та от, трясця твоїй матері, утрібки довго не пролежать, вони починають духу набиратися. А це вже казна-що! Тим-то й тужилися ум’яти геть усе, щоб таке добро не пропадало. З цією метою поскликали сеннейців, сюєїв, рошклермонців, вогодрейців, не забувши і про кудремонпансьєнців, ведебродців та інших сусідів, і всі вони голова в голову були чаркодуї, гольтіпаки і бабодури.

От добряга Ґранґузьє і закликав кожного пригощатися від пуза. Тільки дружині, тій він сказав, щоб не напихалася, бо вона вже на останніх днях, а утрібка — скоромина. — У кишках чимало гівна і без клишок, — вирік він. Але попри всі застороги, Ґарґамелла уперла цих клишок шістнадцять бочок, два барильця і шість кухв. Та й обдуло ж її потім від цієї щедрої фекальної маси!

По обіді всі вальнули гуртом у Сольсе і там, на густій траві, під музику веселих жоломійок та ніжних козиць погналися у танець, і загуляли так, що любота було глянути.


5 – Les propos des bien-yvres

Puis entrerent en propos268Décidèrent. de resieuner269Goûter, se restaurer de nouveau (en poitevin). on propre lieu. 270Sur place, ou dans un endroit convenable ? Lors flaccons d’aller, jambons de troter, goubeletz de voler, breusses de tinter271Brocs à vin résonnant lors des toasts. :

— Tire !
— Baille !
— Tourne !
— Brouille !
— Boutte à moy272Verse-m’en. sans eau; ainsi, mon amy.
— Fouette273Siffle. moy ce verre gualentement.274Joliment.
— Produiz275Offre. moy du clairet, verre pleurant.276Débordant.
— Treves de soif!
— Ha, faulse277Maudite. fievre, ne t’en iras tu pas ?

— Par ma fy, me commere, je ne peuz entrer en bette. 278Par moi foi, ma commère, je ne peux me mettre à boire.
— Vous estez morfondue279Tombée malade., m’amie?
— Voire.280Oui (c’est cela).
— Ventre sainct Quenet!281Saint probablement fictif avec allusion à « quenotte » (mâchoire) ou bien immitation d’un accent régional. Il pourrait également s’agir d’une forme affective. Nom répété trois fois dans Gargantua. parlons de boire.
— Je ne boy que à mes heures, comme la mulle du pape.282Allusion satirique à la discipline ecclésiastique, détournée ici pour justifier une consommation modérée… ou pas. La chaussure (mule) du pape est ici volontairement confondue avec l’animal, conformément aux proverbes populaires de l’époque.
— Je ne boy que en mon breviaire, comme un beau pere guardian.283Supérieur d’un couvent de Cordeliers, on les appelait « beau père ».
— Qui feut premier, soif ou beuverye?
— Soif, car qui eust beu sans soif durant le temps de innocence?
— Beuverye, car privatio presupponit habitum. »284Privation suppose habitude » (formule scolastique. Je suis clerc.285« Savant ». Foecundi calices quem non fecere disertum?286« Quelles merveilles n’opère pas l’ivresse ! » Fameux vers d’Horace.

— Nous aultres innocens ne beuvons que trop sans soif.
— Non moy, pecheur, sans soif, et, si non presente, pour le moins future, la prevenent comme entendez. Je boy pour la soif advenir. Je boy eternellement. Ce m’est eternité de beuverye, et beuverye de eternité.

— Chantons, beuvons, un motet entonnons !
— Où est mon entonnoir ?
— Quoy ! Je ne boy que par procuration !287Les autres boivent à ma place, c’est-à-dire : on ne remplit pas mon verre. C’est
l’homme de loi qui parle.

— Mouillez vous pour seicher, ou vous seichez pour mouiller ?
— Je n’entens poinct la theoricque; de la praticque je me ayde quelque peu.
— Haste !288Faites hâte.
— Je mouille, je humecte289J’arrose le gosier. Latinisme inventé par R., je boy, et tout de peur de mourir.
— Beuvez tousjours, vous ne mourrez jamais.
— Si je ne boy, je suys à sec, me voylà mort. Mon ame s’en fuyra en quelque grenoillere. En sec290Au sec, en un lieu aride. jamais l’ame ne habite.291Citation inspirée de Saint Augustin (en réalité du pseudo-saint Augustin) mais traduite en style bouffon.
— Somelliers, ô createurs de nouvelles formes292Plaisanterie scolastique sur les formes ou
« formes substantielles ». Ici ce principe distinct
qui donne aux corps leur manière d’être, c’est
le vin.
, rendez moy de non beuvant beuvant !293De non-buvant rendez-moi buvant !
— Perannité294Perpétuité. de arrousement par ces nerveux et secz boyaulx !
— Pour neant boyt qui ne s’en sent.
— Cestuy entre dedans les venes; la pissotiere n’y aura rien.
— Je laveroys voluntiers les tripes de ce veau que j’ay ce matin habillé.295Jeu de mots sur le verbe habiller : à la fois « vêtir », mais aussi « parer » (préparer) en parlant d’une bête en boucherie.
— J’ay bien saburré296Lesté. mon stomach.
— Si le papier de mes schedules297Cédules. Terme juridique et fiscal pour créances. beuvoyt aussi bien que je foys, mes crediteurs auroient bien leur vin quand on viendroyt à la formule de exhiber.298Si le papier de mes créances buvait aussi bien que je le fais, mes créditeurs auraient bien leur vin (leur pourboir) au moment d’exhiber leur papier buvard !
— Ceste main vous guaste le nez.299A force de lever le coude, vous vous gâtez le nez (votre nez est rouge.
— O quants300Combien d’autres. aultres y entreront avant que cestuy cy en sorte !
— Boyre à si petit gué301Si bas niveau., c’est pour rompre son poictral.302Son cou. (Un cheval risque de rompre son poitrail à trop tendre le cou).
— Cecy s’appelle pipée303Piège. à flaccons.
— Quelle difference est entre bouteille et flaccon?
— Grande, car bouteille est fermée à bouchon, et flaccon a viz.304Jeu de mot grivois : le flasque-con par un vit.
— De belles !305Formidable !
— Nos peres beurent bien et vuiderent les potz.
— C’est bien chié chanté. Beuvons !
— Voulez-vous rien mander à la riviere? Cestuy cy va laver les tripes.
— Je ne boy en plus qu’une esponge.
— Je boy comme un templier.306La débauche des Templiers était proverbiale.
— Et je tanquam sponsus.307Jeu de mots avec le Psaume 19-5. Sponsus (époux) / spongia (éponge).
— Et moy sicut terra sine aqua.308Jeu avec le psaume 142-6. « Comme une terre sans eau. »
— Un synonyme de jambon?
— C’est une compulsoire de beuvettes309Plaisanterie juridique : un compulsoire était un acte obligeant une personne publique à produire une pièce. ; de même, un jambon oblige à montrer qu’on a soif, en buvant ; c’est un poulain.310Echelle de caviste. Par le poulain on descend le vin en cave; par le jambon en l’estomach.
— Or çà311Allons., à boire, à boire çà ! Il n’y a poinct charge.312Il n’y a pas le compte. Respice personam313Prends garde à qui tu verses ; pone pro duos314Mets-en double dose. ; bus non est in usu.315« Bus n’est pas correct ». Calembour sur le double sens de « bus » : c’est la fin du mot latin duobus («deux fois »), mais le buveur l’abrège en « duos » pour éviter de prononcer « bus », forme française du verbe boire au passé simple, pour ne pas mettre l’action de boire au passé.
— Si je montois aussi bien comme j’avalle316Jeu de mot avec avaler, qui veut direr aussi monter., je feusse pieçà317Depuis longtemps. hault en l’aer.
— Ainsi318En faisant ripailles. se feist Jacques Cueur riche.319Grand argentier du roi Charles VII.
— Ainsi profitent boys en friche.
— Ainsi conquesta Bacchus l’Inde.320Autrement dit la diffusion du vin, de la fête et de la civilisation, non par la guerre, mais par l’ivresse et la joie. Etant une légende, R. ironise sur les grande phrase toutes faites.
— Ainsi philosophie Melinde.321Mélinde (en Afrique orientale). Type de ville lointaine et fabuleuse.
— Petite pluye abat grand vend. Longues beuvettes rompent le tonnoire.322Rabelais substitue buvette (pluie de vin sur l’estomac) à pluie.
— Mais, si ma couille pissoit telle urine, la vouldriez vous bien sugcer?
— Je retiens après.323Je réserve le prochain tour !
— Paige, baille324Donne-m’en. ; je t’insinue325En droit, l’insinuation était l’inscription d’un acte sur les registres. ma nomination en mon tour.326Je m’introduis à mon tour dans la queue !
— Hume, Guillot! Encores y en a il un pot.327Bois Guillot, il y en a encore un pot (formulé comme dans un refrain de chanson à boire).
— Je me porte pour appellant de soif comme d’abus.328Je me pourvois en appel, je suis condamné à la soif comme à l’abus. Paige, relieve mon appel en forme.329Forme un recours.
— Ceste roigneure !330[Passe-moi] ce reste [de viande] !
— Je souloys331J’avais pour habitude. jadis boyre tout; maintenant je n’y laisse rien.
— Ne nous hastons pas et amassons bien tout.
— Voycy trippes de jeu332Par jeu de mots, des restes ou des éléments à « jouer » ou à partager lors du banquet. et guodebillaux333Morceaux gras ou des abats particulièrement appréciés. d’envy334Dignes d’enjeu. de ce fauveau335Plat central du repas, veau de couleur fauve. à la raye noire.336Description typique des veaux d’Anjou, de Touraine ou du Poitou à l’époque. O, pour Dieu, estrillons le337Raclons-le bien. à profict de mesnaige!338Jeu de mots avec l’expression « étrille-fauveau », très populaire au XVIe s. dans le sens d’étriller (brosser) dans le sens du poil, autrement dit se comporter en opportuniste.
— Beuvez, ou je vous…
— Non, non!
— Beuvez, je vous en prye.
— Les passereaux ne mangent sinon que on leurs tappe les queues; je ne boy sinon qu’on me flatte.

Lagona edatera !339Compagnons, à boire ! » Expression basque. Peut-être du laquais de Grandgousier dit « le Basque ». Il n’y a raboulliere340Trou (de lapin). en tout mon corps où cestuy vin ne furette341Poursuive (terme de chasse). la soif.
— Cestuy cy me la fouette342Excite. bien.
— Cestuy cy me la bannira du tout.
— Cornons343Proclamons. icy, à son de flaccons et bouteilles, que quiconques aura perdu la soif ne ayt à la chercher ceans344Dedans. : longs clysteres de beuverie l’ont faict vuyder hors le logis.
— Le grand Dieu feist les planettes et nous faisons les platz netz345Propres..
— J’ai la parolle de Dieu en bouche: Sitio. 346J’ai soif. Mots du Christ sur la Croix.
— La pierre dite ABESTOS347Incombustible en grec. n’est plus inextinguible que la soif de ma Paternité.348Titre appliqué jadis au pape, puis aux prêtres et confesseurs. C’est le «beau père » qui parle.

— L’appetit vient en mangeant, disoit Angest on Mans349Jérôme de Hangest, évêque du Mans. ; la soif s’en va en beuvant.
— Remede contre la soif?
— Il est contraire à celluy qui est contre morsure de chien: courrez tousjours après le chien, jamais ne vous mordera; beuvez tousjours avant la soif, et jamais ne vous adviendra.
— Je vous y prens, je vous resveille. Sommelier eternel, guarde nous de somme. Argus avoyt cent yeulx pour veoir; cent mains fault à un sommelier, comme avoyt Briareus350Briarée, le géant à cent bras., pour infatigablement verser.351Argus et Briareus, géants mythiques. Jeu de mots avec « somme », Argus ayant été endormi par Mercure.
— Mouillons, hay, il faict beau seicher !
— Du blanc ! Verse tout, verse de par le diable ! Verse deçà, tout plein: la langue me pelle.
Lans, tringue !352Exclamation allemande en usage chez les lansquenets et les Suisses : Compagnon, trinque!
— A toy, compaing! De hayt, de hayt !353« De bon cœur. »
— Là ! là ! là ! C’est morfiaillé, cela.354« Bâfré ».
O lachryma Christi !355Muscat du Vésuve.
— C’est de La Deviniere356Maison natale de Rabelais., c’est vin pineau!
— O le gentil vin blanc!
— Et, par mon ame, ce n’est que vin de tafetas.357De velours.
— Hen, hen, il est à une aureille358« C’est un vin de choix ». R. adapte une expression de drapiers dont le sens est perdu aujourd’hui, mais peut-être que l' »oreille » est une lisière de drap, gage de qualité., bien drappé et de bonne laine.
— Mon compaignon, couraige!
— Pour ce jeu nous ne voulerons pas, car j’ay faict un levé.359Jeu de mots sur levée de cartes et levée de coude.
Ex hoc in hoc.360Du vers à la bouche. Parodie du psaume 65-9. Il n’y a poinct d’enchantement; chascun de vous l’a veu; je y suis maistre passé.
— A brum ! A brum !361Hum, hum! je suis prebstre Macé.362Prêtre Macé, contrepèterie par antistrophe, inversion.
— O les beuveurs! O les alterez!

— Paige, mon amy, emplis icy et couronne363Allusion à Virgile traduisant Homère : vina coronant. le vin, je te pry.
— A la Cardinale!
Natura abhorret vacuum.364La nature a horreur du vide, axiome scolastique.
— Diriez vous qu’une mouche y eust beu?
— A la mode de Bretaigne!
— Net, net, à ce pyot!365Boisson.
— Avallez, ce sont herbes!366Remède souverain.

Рацеї під мухою

Потім надумалися підобідати на лоні природи. Де й узялися сулії, окости гуляли, пугари літали, жбани торохкали.

— Сип!
— Передай!
— Не минай!
— Розбавляй!
— Е ні, мені без води! Оце воно, друже!
— Нумо, одним хилом!
— А мені кларету! І щоб стопочка з наспою!
— Заллємо смагу!
— Тепер ти від мене не відчепишся, триклята гарячко!
— Вірите, кумонько, щось не годящий я нині до пиття!
— Вам що, нездужається, серденько?
— А я, щось мені зле.
— Трам-тарарам, побрешімо про вино!
— Я, мов папський мул, п’ю о певній порі.

— Я чисто тобі пріор, у руках ніби Требник, а це плескач із вином.
— Що з’явилося раніше: спрага чи трунки?
— Спрага, бо з якої нетечі невинятка почали кружати?
— Трунки, бо privatio presupponit habitant.367Позбавлення уже передбачає посідання (латин.) Я — клірик. Foecundi calices quem nоn facere disertum? Хто красномовний не став, піднімаючи спінений келих?368Горацій — Послання (латин.). Переклав Михайло Білик.
— Ми — невинятка і тнемо коряками без спраги.

— Азм, грішний, без спраги лише починаю, а потім вона приходить сама. Для мене пити — це грати зі спрагою у довгої лози. Я вічний пияк. Для мене вічне життя у вині, а вино — це моє вічне життя.
— Співаймо! Пиймо! Псалмопивці!
— А де ж запропастилася моя посудинка?
— А чого мені жодна душа не підсипає?
— Ви полощете горло, бо дере, чи дерете горло, щоб полоскати?
— Теоретизуй, не теоретизуй, а напрактикуватися можна.
— Не лови ґав!
— Жлукчу, дудлю, ґольґаю, щоб очі не западали.

— Пияк — він невмирака!
— Без узливання я — сухогриб, пиши тоді пропало. Переселиться моя душа, де мокріше. Там, де суш, вона не житець.
— Нумо, підчаші, нових форм творці, з непитущого питущого зліпіть!
— Треба гарненько скропити сі цупкі, сухі хляки!

— Кому вже не п’ється, так не п’ється.
— Вино в жилах грає, у вигрібну яму воно не потрапляє.
— Я ці клишки сьогодні вранці шлямував, залишається тепер їх сприснути.
— Я все в голодний куток пхав!
— Аби мій вексельний папір пив так само, як я, чи вчитали б його кредитори з настанням терміну оплати?
— Рука така невтомна, що й носа хазяїну натовкла.
— Скільки ще влізе, перш ніж назад верне?
— Як отак весь час питати броду, кінська упряж прорветься!
— Це називається пити з джерельця.
— А яка різниця між шийкою і джерельцем?
— Велика, шийка затикається корком, а джерельце чопом.
— Оце сказано!
— Кружали бочку хвацько наші предки.
— Співуни невсип-пущі! Пиймо!
— Оце кишкове промивання. Не треба й на річку ходити!
— Я п’ю, не кажи ти губка.
— А я, не кажи ти храмовник.
— А я, не кажи ти tanquam sponsus.369Жених (латин.)
— А я, не кажи ти sicut terra sine aqua.370Випалена земля (латин.)
— Що таке шинка?
— Це вимога на дудліж, трап. Звичайним трапом спускають винні барила у льох, а цим трапом у кендюх.

— А раз так, то пиймо! Я ще не набрався. Respice persona; pone pro duos; bus non est in usu. 371Не забувай, з ким маєш справу; лий на двох; «бус» вийшло з ужитку (латин.)

— Аби я вмів так ціпом махати, як смалити чарку, з мене вийшов би знаменитий ціпов’яз.
— Жак Кер, багатій, не раз забивав палю.
— Отак напували б і нас.
— Бахус, той під охотою звоював Інд.
— Мелінду, так ту взяли з п’яних очей.
— Дрібен дощик прибиває подорожню куряву. Довгі гульбощі гасять грім.
— Як із мого чопа такі струмені вириваються, то чом би вам не припасти до цього чопа?
— Я це врахую.
— Гей, пахолку, сип мені ще. Тепера моя черга тебе запізвати!
— Ґїйо, ти там недалеко, — подай мені глека!
— Я позиваюся зі своєю спрагою. Пахолку, оформлюй мій позов як належить!
— Мені б оте шумовиння і оті вишкварки!
— Колись я пив до дна, а нині п’ю все до ріски.

— Підгрібаймо все: часу в нас доста!
— Та й клишки у цього волика, полового з чорними латками, — смакота! То ми їх дочиста!

— Пийте, а то я…
— Ні, ні!
— Пийте, пийте — який ви проханий!
— Щоб горобці клювали, їх треба плеснути по хвосту, а щоб я пив, мене треба добре припрохувати.
Lagona edatera!372Пиймо, друзяко! (Баск.) Нема в моєму тілові такої нірки, куди б могла сховатися від вина спрага.
— А в мене це винце тільки спрагу розпалює.
— А в мене спрагу прожене це винце.
— Хай знають під дзенькіт боклаг і пляшок: утратили спрагу, нема її чого в собі шукати, — її вигнали часті винні клістири.

— Всевишній створив планети, а ми по них плентаємося і припланечуємося.
— У мене Господеве слово на устах: Sitio!373Прагну (латин. — Євангелія від Івана, 19, 28)
— Азбест, тобто камінь, і той не такий нескрушний, як непогасима спрага, яку оце чує моє високопреподобіє.
— Апетит, як сказав Ангест Манський, ся рождає під час їди, а спрага ся рождає під час пиття.
— Чи є помічне від спраги?
— Є, але не те, що рятує від собачого укусу: як бігтимеш позад собаки, він зроду тебе не вкусить, як бігтимеш із питвом назустріч спразі, вона тебе завжди обминатиме.
— Ловлю тебе, виночерпію, на слові! Будь невичерпний! Ще черепушку! Арґус, щоб бачити, був стоокий, а корецький має, як той Бріарей, бути сторуким, аби черпати й черпати.
— Спершу мочеморди, а потім сушеморди!
— Білого! Сип, сип, хай йому біс! Добру повну: язик у мене наче терпуг.
— Смикнімо, службо!
— П’ю до тебе, друзяко! Вперед!
— Пішло, як брехня по селу!
О lachryma Christi!374Сльоза Христова (латин.)
— Це девіньєрське — піно!
— Біле винце — розкіш!
— Оксамитове, їй-бо!
— Оце воно: карноухе, деруче, вовнясте!

— Друже, по новій!
— Скільки не подаватимуть, ми не скажемо: «Пристав!»
Ex hoc in hoc.375Звідси і сюди! (Латин.) І ніякісінького мошенства! Беру всіх у свідки. Я оце перепив усіх.
— Я — панотець Перепивайло.
— О п’яндиголови! О жадаки! Посмагли як жаби у болоті!
— Пахолку, друже, повну, та пильнуй, аби з коронкою!
— Просто шапка кардинальська!
Natura abhorret vacuum.376Природа порожнечі не терпить (латин.)
— Хоть би рісочку — мусі напитися.
— Давай по-бретонській!!
— До дна!! До дна!
— Дерболизнемо цього зілля!



Sources principales

Franc, Abel (Boulenger, Clouzot et alii…), édition critique de Gargantua, in Œuvres de Rabelais T1, 1913
Delbiausse, Roger – Edition critique in Les Cinq livres de Rabelais – Magnard, 1965
Perepadуа, Anatol – Traduction ukrainienne, « Gargantiua ta Pantagiuel » – Folio, Kharkiv, 2010.
(Перепадя, Анатоль – Ґарґантюа та Пантаґрюель (укр. переклад) – Фоліо, Харків, 2010.

Bilingues avec translation :
Demerson, Guy – Edition critique bilingue in Rabelais, Oeuvres complètes, T1, Gargantua – Seuil, 1980
Fragonard, Marie-Madeleine – Edition bilingue annotée in Rabelais Gargantua – Pocket, 1996.


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